Le nom de domaine est une catégorie de signe dont la loi ne donne pas d’indication quant à la nature juridique. Ce sont la doctrine et la jurisprudence qui ont recherché sa qualification juridique, ceci de façon à déterminer si le nom de domaine peut bénéficier d’une protection et le cas échéant sous quelles conditions.
En 1999, avec Alexandre Nappey, nous avions fait un tour d’horizon pour tenter de rapprocher le nom de domaine des différentes catégories de signes distinctifs protégés par le droit français. Grégoire Loiseau signait la même année un article, retenant de façon justifiée une proximité avec l’enseigne (Nom de domaine et Internet : turbulences autour d’un nouveau signe distinctif, Dalloz 1999, doctrine, p. 245 s.).
Quant au véritable maître en la matière, ses écrits sont trop nombreux pour être cités !
Du coté des tribunaux, en rapprochant certaines décisions, on peut avoir l’impression d’un patchwork hétérogène. Voici quelques extraits sélectionnés et mis en gras par mes soins :
« Considérant que si le nom de domaine n’est pas reconnu en tant que tel par la loi, la jurisprudence lui accorde toutefois la même force juridique qu’une marque déposée »
[arrêt de la Cour d’Appel de Rennes, 22 mai 2002, Bretagne Ventes Immobilier / Eurl Le Helley, Jurisdata n°2002-206958].
« Il résulte de ce qui précède que la notion de nom de domaine spécifique au monde de l’internet, est totalement distincte de celle de marque. (…) La protection que confèrent les dispositions pénales de l’article L 716-9 du code de la propriété intellectuelle ne s’applique qu’aux marques enregistrées. N’en bénéficient que les propriétaires tels que définis plus haut. Cette protection ne pourrait s’appliquer à un nom de domaine internet que si celui-ci reproduisait la dénomination d’une marque déposée ou une dénomination très proche prêtant à confusion. »
[Arrêt de la 9ème chambre de la Cour d’appel de Versailles, 18 novembre 2004, Rojo R. / Guy R (Legalis)].
« (…) en langage courant l’enseigne peut se définir comme étant la marque (sic !) distinctive d’un commerce ; Que dans cette mesure l’appellation d’un site correspond, sur le plan électronique, à l’enseigne. »
[jugement du TGI de PAris, 31è chambre, 8 avril 2005, Ministère Public / Nicole T. Automatic Answer Communication (Legalis)]
En réalité ces décisions sont moins contradictoires qu’il n’y parait ; la jurisprudence est a présent établie par de nombreuses décisions concordantes et cohérentes. Un nom de domaine est protégeable et peut donc être invoqué à l’encontre d’autres signes distinctifs avec lesquels il existe un risque de confusion, s’il est antérieur, distinctif et si un usage public en est fait.
Dans une affaire « Provoyance », une marque a ainsi été annulée par le tribunal en raison des droits antérieurs attachés à un nom de domaine :
« un nom de domaine servant à désigner un site internet peut constituer une antériorité au sens de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; (…) néanmoins la protection du nom de domaine ne s’acquiert que par l’usage public qui en est fait, le seul fait de l’enregistrer étant à cet égard insuffisant. »
[jugement du Tribunal de grande instance de Paris, 3ème Chambre, 2ème section, 13 juin 2003, Anne Marie B.S. / TI System (Legalis)].
A propos de ce dernier jugement, j’avais rédigé une brève pour Juriscom et on peut également en lire une habile présentation par Isabelle Meunier Cœur dans Propriété Industrielle (mars 2005).