Le thème de la logique constitue le fil rouge du numéro 49 des dossiers de Pour la Science, paru début octobre. Une lecture passionnante pour les juristes, amenés à utiliser la logique afin de démontrer leurs thèses mais aussi pour démonter celles de leurs adversaires.
Un article de Patrice Bailhache, professeur de philosophie à l’Université de Nantes, pose une question provocante : le droit peut-il être automatisé ?
Se passer totalement d’une appréciation humaine dans un tel domaine apparaît absurde. Comme si un logiciel pouvait faire mon boulot ! Et pourtant, les modes de raisonnements en droit des marques suivent souvent les mêmes schémas : on se retrouve très fréquemment à devoir apprécier le risque de confusion entre le signe distinctif du demandeur et celui du défendeur (« présumé contrefacteur »), évaluation dont le processus implique invariablement deux étapes : la comparaison des signes en présence et la comparaison des produits/services désignés de part et d’autre. Couplé à une base de données de la jurisprudence, un logiciel pourrait-il prévoir la solution d’un litige ? Impensable tant cela semble complexe, subjectif et requiert la prise en compte de nombreux paramètres, dont la pertinence est étroitement dépendante du contexte de l’espèce.
Pourtant il existe des tendances à voir dans cette matière certaines évaluations fortement schématisées : tel est le cas par exemple de l’appréciation de l’existence d’un lien de similarité entre les produits et services selon la pratique japonaise. Il existe en effet des « groupes de similarité » associés à chaque intitulé de produit et renvoyant à ceux qui doivent être considérés comme similaires. Les solutions sont nettes et prédéterminées, contrairement à la pratique subjective que nous connaissons et qui met en oeuvre l’appréciation au travers des yeux d’un personnage de référence fictif, le « consommateur d’attention moyenne ».
A l’inverse, le facteur humain peut être exacerbé au point de déjouer la logique. Aux Etats-Unis, dans certains procès où l’aspect émotionnel est prédominant (ce qui est rare dans le domaine de la PI), il arrive aux avocats d’organiser avec leurs clients des « mock-trials », ou simulations d’audiences du procès en cours devant un faux jury. Le but est de tester l’efficacité de différentes tactiques en fonction des réactions humaines et d’établir une stratégie qui emportera la conviction du vrai jury.
Si quelqu’un arrive un jour à modéliser le droit des marques, ce ne sera pas en logo, l’un des langages informatiques les moins puissants.