C’est à cette question que l’on peut réduire schématiquement la problématique de fond d’une affaire mettant aux prises Pilot Corporation of America, titulaire de la marque MAGNA DOODLE, (enregistrée notamment en classe 28 pour des « jeux de croquis, y compris une boîte à croquis magnétique« ), et son ancien licencié (Mattel), lequel a ensuite commercialisé des jeux de même type sous la dénomination DOODLE PRO.
La solution dépend essentiellement du caractère distinctif du terme « doodle« , commun aux deux désignations litigieuses, ainsi que de l’influence des termes qui l’accompagnent dans chacune des expressions.
Pour sa défense la société Mattel avance que le verbe anglais « to doodle » – signifiant « gribouiller, griffonner » – est dépourvu de caractère distinctif pour désigner des jeux consistant en une ardoise magnétique et un crayon spécifique à celle-ci.
Comme je l’ai déjà indiqué brièvement, l’appréciation de la distinctivité des marques françaises constituées de termes étrangers tient compte du niveau de connaissance du « consommateur moyen » (ou autre public pertinent, le cas échéant) dans la langue considérée. Il convient de rappeler que la CJCE, dans un arrêt du 9 mars 2006 (affaire Matratzen Concord, C-421/04) a été amenée à répondre à une question préjudicielle en liaison avec la problématique qui nous préoccupe ici. Sans surprise, la Cour a alors dit pour droit que :
En France, de façon très régulière en ce qui concerne l’anglais, les juges ont tendance à tenir le niveau du consommateur moyen comme plutôt faible. En l’occurence cela conduit les magistrats à juger la marque MAGNA DOODLE comme parfaitement valable car intrinsèquement distinctive1.
Le raisonnement appliqué à l’espèce est le suivant :
« La comparaison d’ensemble des signes en présence, MAGNA DOODLE et DOODLE PRO appréciée globalement, montre qu’ils ont en commun le terme DOODLE placé en seconde position dans les marques et en position d’attaque dans le signe argué de contrefaçon qui déterminent les ressemblances visuelles et phonétique lesquelles se résument à cette identité de terme;
Au plan conceptuel, la signification du terme anglais DOODLE n’est pas comprise par le consommateur français qui représente le public concerné, de sorte que les extraits de catalogues de jouets en langue anglaise versés aux débats par la défenderesse ne sont pas pertinents, pas plus que n’est déterminant le dépôt de plusieurs marques communautaires comportant le terme DOODLE déposées en classe 28 dès lors que rien ne vient établir qu’elles sont exploitées en France;
Il ne saurait donc être admis que ce terme est essentiellement descriptif pour désigner des »ardoises magiques », ni même évocateur;
Pour le consommateur français, le terme « MAGNA » n’est pas synonyme de »Magné » qui seul évoque pour lui le phénomène magnétique; Sans avoir étudié le latin, ce consommateur rapproche « magna » de « magnum » dont il sait qu’il veut dire grand;
N’ayant pas simultanément les deux marques sous les yeux, il sera porté à associer mentalement les termes MAGNA et PRO, qui, s’il n’ont pas la même signification, se situent néanmoins dans le même registre, Grand DOODLE ou DOODLE professionnel étant manifestement des significations très voisines pour désigner un même objets abstraction faite de sa présentation qui n’est pas en cause ici;
En conséquence, le risque de confusion étant établi, la contrefaçon reprochée est constituée. »
Outre des mesures d’interdiction et de publication (assorties de l’exécution provisoire), une expertise a été ordonnée par le tribunal afin d’évaluer le préjudice.
Référence : TGI Paris 3è ch. 2ème sect., 27 octobre 2006, RG 05/00811.
Nota Bene : le jugement fait l’objet d’un appel. Les illustrations ci-dessous proviennent de sites de VPC.
Voir en complément le britannique billet d’IPkat.
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