Le jugement du TGI de Paris du 14 mars 2008 (évoqué précédemment) est disponible en téléchargement.
On notera qu’à la suite des arrêts récents (notamment TWD Industries, Gifam) et du jugement du TGI de Lyon, la 2ème section de la troisième chambre du TGI de Paris retient que Google est contrefacteur.
Ici, le tribunal souligne que le prestataire de liens publicitaires fait usage de la marque litigieuse via son générateur de mots clés et qu’un tel usage est contrefaisant.
Avec la copie de la minute du jugement, on voit qu’il n’y avait pas de coquille dans la dépêche de l’AFP : c’est bien 75 000 euros de dommages et intérêts qui ont été accordés (70 000 euros au titre de la contrefaçon et 5 000 au titre de la publicité mensongère). Le tout sans explications sur l’évaluation du préjudice.
Le dispositif prévoit également des mesures de publication sur les pages d’accueil des défendeurs (dont google.com et google.fr) et ordonne l’exécution provisoire.
Extraits (gras ajouté) :
Sur la contrefaçon de la marque par l’annonceur :
« Attendu que le mot-clé “CITADINES” utilisé par Monsieur Fredy W. est la reproduction à l’identique la marque CITADINES N° 99 791454 ;
que le mots-clé “LES CITADINES ne se distingue de la marque “CITADINES”que par l’adjonction d’un article qui n’est pas de nature à modifier, quant à l’impression d’ensemble, les ressemblances visuelles et phonétiques entre les signes en présence pour désigner des produits similaires voire identiques ;
Attendu que ces mots-clés permettent de faire apparaître en réponse aux requêtes indiquées, la présence de liens commerciaux pointant vers le site de Monsieur WEBER sur lequel sont proposés des produits et services identiques à ceux visés à l’enregistrement de la marque opposée ;
qu’il s’ensuit que la contrefaçon par reproduction est caractérisée au sens de l’article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ; »
Sur la responsabilité de Google liée au générateur de mots clés :
« lorsque l’annonceur sollicite le générateur de mots-clés, il s’interroge sur le ou les mots-clés les plus pertinents pour faciliter la consultation de son site et ce, en fonction de l’activité qu’il y développe ou qu’il veut y développer ; qu’il interroge ainsi le système “ADWORDS” par rapport à un produit ou à un service désigné, et le générateur de mots-clés va répondre à son interrogation en lui fournissant les requêtes les plus fréquentes des internautes et les signes les plus fréquemment saisis, signes parmi lesquels se trouvent en l’espèce la marque “CITADINES” qui apparaît à l’écran en association avec les services de l’hôtellerie visés au dépôt ;
Attendu que l’usage de ce signe constitue dès lors un usage à titre de marque, dont la fonction est d’individualiser un produit ou un service
que la société GOOGLE ne saurait soutenir que ce service de suggestion de mots-clés serait un outil d’information statistique qui ne dispense pas les souscripteurs de procéder à leur propre analyse de la pertinence des termes reproduits dès lors qu’elles en assure la mise en oeuvre et le contrôle ;
qu’il est également indifférent de soutenir que “tout est mis en oeuvre pour dissuader les souscripteurs d’utiliser frauduleusement les marques d’autrui” ou que des mesures de blocage ont été instaurées dans la mesure où il est reproché à GOOGLE de reproduire, en réponse à une sollicitation d’un annonceur, un signe déposé à titre de marque ;
qu’enfin GOOGLE ne saurait se retrancher derrière ses choix technologiques résultant de l’option dite “de requête large” sans porter atteinte aux droits que détient la société CITADINES sur la marque N° 99 791454 dont elle est titulaire ;
Attendu que l’usage de cette marque que GOOGLE Inc réalise dans la vie des affaires constitue dès lors la contrefaçon de cette dernière au sens des dispositions précitées, la société GOOGLE ne contestant pas la reproduction du signe incriminée ; »
Par contre (comme dans l’arrêt Gifam) n’est pas retenue l’atteinte à la dénomination sociale : « l’internaute qui prend connaissance de la liste des mots-clés dont certains constituent la dénomination sociale de la société CITADINES, ne peut se méprendre sur l’usage de ces signes par le générateur de mots-clés ; qu’en l’absence de tout risque de confusion, cet usage ne saurait en conséquence être incriminé au titre de la concurrence déloyale« . (motivation qui à mon avis manque de cohérence : comment retenir la contrefaçon de marque d’un coté et écarter l’atteinte à la dénomination sociale éponyme de l’autre au motif que cette fois-ci il n’y aurait pas de « risque de confusion » ?)