La Cour d’Appel de Paris a récemment confirmé que DESIR SEXE était une marque valide et que l’usage des noms de domaine <desirs-sexes.com> et <desirssexes.com> (« renvoyant à des sites payants pour adultes« ) lui portaient atteinte.
Concernant le caractère distinctif de la marque, la Cour relève que l’expression « DESIR SEXE » n’est pas « exclusivement nécessaire » pour désigner les services visés au dépôt (communications par terminaux d’ordinateurs, fourniture d’accès à un réseau informatique mondial, services d’affichage électronique, publication électronique, hébergement de sites informatiques, programmation pour ordinateur, création de sites web pour des tiers) et qu’elle ne constitue pas non plus la désignation d’une caractéristique de ces services.
La licéité de la marque, selon une jurisprudence constante, s’apprécie in abstracto, c’est-à-dire en tenant uniquement compte du signe lui-même. La moralité des produits ou services visés n’entre pas en jeu. Ainsi, la défenderesse (qui exploite des sites X) a beau jeu de soutenir que la marque qui lui est opposée serait contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs. La Cour écarte logiquement l’argument : « que les sites exploités sur internet accessibles aux adresses « www.desirsexe.com » et « www.desir-sexe.com » [par le demandeur], exhibant des jeunes femmes dénudées, ont un caractère érotique voire pornographique, il n’en subsiste pas moins que le signe DESIR SEXE n’est cependant pas, en lui-même, immoral et contraire aux bonnes moeurs« .
La motivation de l’arrêt ne s’attarde pas sur la similarité entre le contenu auquel les noms de domaine donnaient accès et les services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée : il est simplement fait mention qu’il ressort du contenu du procès verbal de constat que les services proposés par la défenderesse à l’adresse « desirs-sexes » « sont similaires aux services d’hébergement de sites informatiques visés au dépôt de la marque DESIR SEXE et exploités » par le demandeur.
On se souvient pourtant d’un temps où les magistrats soulignaient que, dans un cas comparable, même si le demandeur a « protégé ses marques dans la classe 38 liée à Internet ; néanmoins, pour apprécier le risque de confusion entre le site [du demandeur] et les sites ouverts par [le défendeur], il convient d’examiner leur contenu » (TGI Nanterre, 2 avril 2001, ZeBank / 123Multimédia -jugement commenté en son temps par votre serviteur pour Juriscom-, infirmé sauf sur l’absence de contrefaçon (je le souligne en écho à ma conclusion de l’époque), CA Versailles, 22 novembre 2001).
Toujours est il qu’en l’espèce les parties officient dans le même domaine d’activité et il était difficilement concevable d’aboutir à une solution de coexistence.
En conclusion, les magistrats retiennent le grief de contrefaçon : « l’emploi du nom de domaine « desirs-sexes » postérieurement au dépôt [de la marque invoquée] constitue l’imitation illicite de la marque DESIR SEXE, l’adjonction des lettres finales « S » étant inopérante à écarter, dans l’esprit des internautes concernés, visuellement, phonétiquement et intellectuellement, tout risque de confusion entre les dénominations en présence« .
En revanche, alors que le demandeur était titulaire de noms des domaine <desirsexe.com> et <desir-sexe.com>, la Cour condamne l’atteinte à ces autres signes (étonnamment) dans le cadre de la contrefaçon. La concurrence déloyale est écartée au motif qu’il n’est pas démontré que la défenderesse ait « cherché à se placer dans [le] sillage » du demandeur (critère relevant plutôt du parasitisme que de la concurrence déloyale). Mais pour retenir le grief de concurrence déloyale à l’égard des noms de domaine, il était nécessaire de se pencher un peu plus sur la chronologie des faits…
Référence : CA Paris, 19/10/2005, JJV, 3C Informatique / AC (Jurisdata n°283917), confirmant le jugement du 25 mai 2004.