Les fragrances peuvent-elles bénéficier d’une protection juridique ? On sait à quel point le terrain du droit des marques est difficilement praticable en raison des impératifs pesant sur la représentation graphique des signes olfactifs.
Les tribunaux français admettaient, pour la plupart, que les parfums originaux soient protégés par le droit d’auteur. Mais depuis le 13 juin 2006, la Cour de cassation a refusé de considérer le parfum comme une œuvre d’art. Le créateur d’un parfum n’exprimerait pas sa personnalité au travers de l’odeur qu’il crée : « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en oeuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas au sens des textes précités, la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des oeuvres de l’esprit par le droit d’auteur » assénait la première chambre civile.
Si quelque espoir avait pu renaitre avec un arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 février 2007, la lueur qu’il a suscité vient d’être soufflée par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation qui adopte sans nuance le principe énoncé par la formation civile.
Le parfum « Le Mâle » de Jean-Paul Gaultier n’est pas une oeuvre d’art. Francis Kurkdjian, le nez qui l’a créé en 1995, n’exprime pas sa personnalité au travers des parfums qu’il compose, il se contente d’appliquer un savoir-faire. C’est ce que dit l’arrêt rendu le 1er juiller 2008 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation :
Mais sur le quatrième moyen :
Vu les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour retenir la contrefaçon de droits d’auteur dont la société BPI est titulaire sur le jus de toilette Jean-Paul Gaultier Le Mâle, l’arrêt retient qu’un parfum est susceptible de constituer une oeuvre de l’esprit au titre du livre 1er du code de la propriété intellectuelle dès lors que, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, il est original ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en oeuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des oeuvres de l’esprit, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que la société Senteur Mazal, en vendant le produit J.P L’Homme et le produit Inmate for men s’est rendue coupable de contrefaçon de droits d’auteur dont la société Beauté prestige international est titulaire sur le jus de l’eau de toilette Jean-Paul Gaulthier Le Mâle, l’arrêt rendu le 14 février 2007 (…)
Malheureusement, la position prise par la Cour de cassation rejette catégoriquement toute dimension artistique dans la création de parfums. La solution est d’autant plus discutable que la motivation est lapidaire.
Et c’est à n’en pas douter une solution qui encouragera les copieurs et pénalise les créateurs.