Dans un arrêt qui date déjà de quelques mois, la Cour d’appel de Paris (section B) a considéré que le magazine Têtu pouvait titrer sur « les Jeux olympiques du sexe« , sans porter atteinte aux droits du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF).
Cette décision mérite d’être soulignée car, dans la lignée des arrêts de la cour de cassation rendus en matière de parodie de marque (affaires Camel, Esso et Areva), la cour d’appel de Paris admet que la protection des marques du CNOSF (fussent elles renommées) n’est pas absolue. C’est en pratique une exception uniquement liée au contexte humoristique de l’emploi des marques en cause qui est ici admise.
La jurisprudence française semblait considérer qu’était étanche la relation entre l’humour et le droit des marques, en témoigne par exemple la motivation de la célèbre décision « Attention j’accoste ». Cette marque a été jugée contrefaisante de celle de Lacoste car « le droit de faire rire de l’œuvre d’autrui par le pastiche ou la caricature ne peut trouver application [en matière de marques] domaine strictement commercial, axé sur la recherche du profit » (TGI Paris, 17 février 1990).
Puis à l’issue de la saga jurisprudentielle qui opposa Jacques Calvet aux Guignols de l’Info de Canal +, l’arrêt de l’Assemblée pleinière de la Cour de cassation (12 juillet 2000) relevait au final que « les propos mettant en cause les véhicules de la marque s’inscrivaient dans le cadre d’une émission satirique diffusée par une entreprise de communication audiovisuelle et ne pouvaient être dissociés de la caricature faite de M. Calvet, de sorte que les propos incriminés relevaient de la liberté d’expression sans créer aucun risque de confusion entre la réalité et l’oeuvre satirique« .
En l’espèce, il ressort de l’exposé des fait que « la société COMMUNICATION PRESSE PUBLICATION DIFFUSION a édité en juillet-août 2004 le numéro 91 du magazine « TÊTU » intitulé : « Les jeux olympiques du sexe », comportant en page de couverture les sous-titres : « Numéro double spécial JO d’Athènes », « records, performances, endurance, prêts pour la course au plaisir ? », et intégrant les couleurs de l’emblème olympique à la présentation du magazine. »
Sont invoquées les marques » Olympiade », « Olympique » et « Jeux Olympiques ». La motivation, similaire pour chacune d’entre elles, conduit au rejet de l’application des dispositions de l’article L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle relatif à la protection des marques de renommée.
On pourra noter au passage que le texte de l’article L713-5 est une transposition incomplète des dispositions de l’article 5.2 de la Directive de 1988 (ce dernier exigeant que « l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice« ). Le texte de la Directive sous tend les notions de dilution et de ternissement, qui n’apparaissent pas dans le texte français.
Concernant par exemple l’emploi du terme « Olympiade », la Cour relève qu’il a
été en l’espèce utilisé dans un de ses sens courants de compétition susceptible de se dérouler dans des domaines divers ;
qu’il apparaît de la lecture des passages incriminés qu’il a été cité – prétexte étant pris de l’organisation des jeux olympiques d’Athènes du 13 au 29 août 2004 qui constituait un sujet d’actualité – pour aborder, sur un mode fantaisiste, des questions en relation avec l’homosexualité, domaine auquel le magazine TETU est consacré ;
que rien ne montre que la société éditrice de cette publication se soit présentée comme un partenaire officiel, un prestataire officiel ou un fournisseur officiel de l’organisation des jeux olympiques en vue de bénéficier des retombées financières d’engagements de cette sorte ;
qu’elle a mentionné le terme « olympiade » dans un contexte exclusif de préjudice en raison de la distance, du décalage que le lecteur perçoit immédiatement entre la marque « Olympiades » et les usages incriminés ;
qu’en effet ces références aux « Olympiades » s’inscrivent dans un propos à l’évidence ludique et humoristique, non dénigrant, et ne sauraient dès lors caractériser une exploitation injustifiée du signe « Olympiades » ;
Il est en outre jugé qu’aucune atteinte à la dénomination de l’association n’est ainsi caractérisée. Les griefs de concurrence déloyale et de parasitisme sont également rejetés.
Référence :
CA PARIS, 4ème Ch. Sect. B., 7 mars 2008
S.A.S. COMMUNICATION PRESSE PUBLICATION DIFFUSSION / COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANCAIS
Télécharger l’arrêt au format RTF