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Les noms de domaine sous l’extension .eu ont été attribués en priorité aux titulaires de marques enregistrées dans un pays de l’Union Européenne pendant la période dite « sunrise ».
Ceci a conduit peu de temps avant l’ouverture de la période sunrise à un grand nombre de dépôts de marque portant sur des termes qui seraient bien valorisés en tant que noms de domaine (comprendre : des termes du langage courant ou des noms géographiques).
Pour éviter des oppositions et des objections de fond (sur le caractère distinctif), certains déposants ont été jusqu’à insérer dans les noms qu’ils ont déposés de caractères spéciaux, lesquels ne peuvent faire partie des noms de domaine en raison des limitations techniques de ces derniers. Le sort de ces caractères est visé à l’article 11 du Règlement (CE) n° 874/2004 de la Commission du 28 avril 2004 établissant les règles de politique d’intérêt général relatives à la mise en œuvre et aux fonctions du domaine de premier niveau .eu et les principes applicables en matière d’enregistrement:
Article 11
Caractères spéciaux
Aux fins de l’enregistrement des noms complets constitués de plusieurs mots ou éléments de texte ou de mots séparés par des espaces, un nom de domaine formé en unissant les parties du nom complet par un trait d’union ou en les accolant les unes aux autres est réputé identique au nom complet.
Lorsque le nom pour lequel des droits antérieurs sont invoqués contient des caractères spéciaux, des espaces ou des signes de ponctuation, ceux-ci doivent être éliminés du nom de domaine correspondant, remplacés par des traits d’union ou, lorsque cela est possible, exprimés par des caractères normaux.
Les caractères spéciaux et signes de ponctuation visés au deuxième alinéa sont notamment les suivants:
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(…).
C’est l’une de ces marques qui est au centre de questions préjudicielles posées à la CJCE par la cour suprême autrichienne à propos de l’interprétation du Règlement n° 874/2004. L’affaire porte le numéro C-569/08.
Le nom de domaine litigieux, reifen.eu, a fait l’objet d’une décision ADR rendue en 2006. En allemand « Reifen » signifie « pneus ». Le nom de domaine a été attribué à la société autrichienne Internetportal und Marketing GmbH, qui l’a déposé la première, sur la base de l’enregistrement d’une marque suédoise &R&E&I&F&E&N&. L’attribution du nom a été contestée par le titulaire d’une marque REIFEN, enregistrée au Benelux.
Il est difficile de croire que la société autrichienne n’ait pas cherché à profiter des dispositions de l’article 11 en déposant sa marque suédoise (qui est peut être plus lisible si on éclaircit les esperluettes : &R&E&I&F&E&N&).
La présence d’esperluettes dans les marques invoquées en période sunrise a donné lieu à des débats parmi certains experts auprès de la Cour d’Arbitrage pragoise. Le wiki de l’ADR en fait état.
Et ainsi en l’espèce les questions posées à la CJCE sont les suivantes :
1) L’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 874/2004 de la Commission du 28 avril 2004 établissant les règles de politique d’intérêt général relatives à la mise en œuvre et aux fonctions du domaine de premier niveau .eu et les principes applicables en matière d’enregistrement doit-il être interprété en ce sens qu’un droit au sens de cette disposition existe même,
a) lorsqu’une marque a été enregistrée uniquement dans le but de pouvoir demander au cours de la première phase de la procédure d’enregistrement par étapes l’enregistrement d’un nom de domaine correspondant à une dénomination générique – tirée de la langue allemande -, sans intention d’utiliser cette marque pour des produits ou des services?
b) lorsque la marque sur laquelle se fonde l’enregistrement du domaine et qui correspond à une dénomination générique – tirée de la langue allemande – s’écarte du nom de domaine dans la mesure où elle contient des caractères spéciaux qui ont été éliminés du nom de domaine, bien que ceux-ci auraient pu être exprimé par des caractères normaux et que leur élimination a pour effet que le nom de domaine peut être distingué de la marque sans créer de risque de confusion?
2) L’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 874/2004 doit-il être interprété en ce sens qu’un intérêt légitime n’existe que dans les cas prévus à l’article 21, paragraphe 2, sous a) à c)?
En cas de réponse négative à cette question,
3) Existe-t-il également un intérêt légitime au sens de l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 874/2004 lorsque le titulaire du nom de domaine qui correspond à une dénomination générique – tirée de la langue allemande – souhaite l’utiliser pour un site Internet thématique?
En cas de réponse positive aux questions 1 et 3:
4) L’article 21, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 874/2004 doit-il être interprété en ce sens que seules les faits énumérés sous a) à e) de cette disposition permettent de fonder la mauvaise foi au sens de l’article 21, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 874/2004?
En cas de réponse négative à cette question:
5) Peut-on également considérer que l’on se trouve en présence de la mauvaise foi au sens de l’article 21, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 874/2004 lorsque le nom de domaine a été enregistré lors de la première phase de la procédure d’enregistrement par étapes sur la base d’une marque correspondant à une dénomination générique – tirée de la langue allemande -, marque que le titulaire du nom de domaine n’a acquise que dans le seul but de pouvoir demander l’enregistrement du nom de domaine lors de la première phase de la procédure d’enregistrement par étapes et ainsi précéder d’autres personnes intéressées et donc, en tout état de cause, également les titulaires de droits à la marque?
Cette affaire signalée par par Cédric Manara, est mentionnée par votre serviteur sur Class 46 (site que je cite souvent même si c’est un peu lourd, histoire que les lecteurs du pMdM qui sont ouverts sur ce qui se passe en Europe ne passent pas à coté de cette excellente source d’informations) et sur IPKat.
J’ai mon idée sur les réponses à apporter (sauf à prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages). Et sur la sanction à prendre : obliger le titulaire de la marque suédoise à changer de nom pour n’être identifié que par un signe identique à cette marque, esperluettes comprises et inamovibles 😉