Les lecteurs du pMdM le savent bien, l’un des sujets brulants à la Cour de Justice en ce moment concerne les liens publicitaires et les atteintes que ceux-ci sont susceptibles de porter aux marques.
Dernier épisode en date : les conclusions de l’avocat général dans l’affaire Vuitton / Google (et les deux affaires liées) donnaient des orientations, qui pouvaient pour certaines être favorablement interprétées par un camp et d’autres qui de la même façon ne fermaient pas toutes les portes à l’autre camp. Cette affaire était la première à atteindre le niveau de la CJCE.
Voici à présent que la cinquième série de questions préjudicielles posées à la fort sollicitée Cour de Justice est aujourd’hui connue dans sa formulation précise. Ces questions étaient annoncées par la décision du 22 mai 2009 de la High Court of Justice (England and Wales) dans une affaire opposant Interflora à Marks & Spencer (décision rapidement signalée ici à l’époque). Un des éléments intéressants quant à la position du juge anglais y était exprimé en ces termes (§85) :
At this point, I should make it clear that I did not understand counsel for Interflora to agree, nor do I accept, that all of the issues raised by M & S involve difficult questions of European law. In particular, I do not see any particular difficulty in the issues as to whether, if the acts complained of do constitute « use », such use is of a « sign » or whether it is « in course of trade ». On the other hand, I consider that the issues as to whether there is « use » and if so whether it is « in relation to » identical goods and services are matters of considerable difficulty given the present state of the ECJ’s jurisprudence. (…)
En septembre les conclusions de l’avocat général dans l’affaire Vuitton donnait une orientation plutôt claire sur ces notions d’usage, sur le fait que cet usage intervienne dans la vie des affaires et sur le fait l’usage intervienne en relation avec les produits et services en question. L’avocat général était en revanche plus réservé sur le risque de confusion pour le public (par un raisonnement que je n’approuve pas totalement).
Mais venons en aux questions préjudicielles posées dans l’affaire Interflora / Marks & Spencer.
Leur traduction française est reprise ci-dessous :
Demande de décision préjudicielle présentée par la High Court of Justice (England and Wales), Chancery Division le 12 août 2009 – Interflora Inc., Interflora British Unit / Marks & Spencer plc, Flowers Direct Online Limited
(affaire C-323/09)
Langue de procédure: l’anglais
Juridiction de renvoi
High Court of Justice (England and Wales), Chancery Division.
Parties dans la procédure au principal
Partie requérante: Interflora Inc., Interflora British Unit.
Partie défenderesse: Marks & Spencer plc, Flowers Direct Online Limited.
Questions préjudicielles
Lorsqu’un commerçant, concurrent du titulaire d’une marque enregistrée et qui vend des produits et services identiques à ceux couverts par la marque par le biais de son site Internet (i) choisit un signe qui est identique (au sens de l’arrêt de la Cour de justice rendu dans l’affaire C-291/00) à la marque comme mot clé pour le service de lien sponsorisé proposé par l’opérateur d’un moteur de recherche, (ii) désigne ce signe comme un mot clé, (iii) associe le signe avec l’URL de son site Internet, (iv) détermine le coût par clic qu’il paiera en relation avec ce mot clé, (v) programme le moment où s’affichera le lien sponsorisé et (vi) utilise le signe dans des correspondances commerciales relatives à la facturation et au paiement des droits ou à la gestion de son compte auprès de l’opérateur du moteur de recherche, mais que le lien sponsorisé n’inclut pas lui-même le signe ou tout signe similaire, l’un quelconque de ces actes ou tous ces actes constituent-ils un » usage » du signe par le concurrent au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la première directive 89/104/CEE1 du Conseil du 21 décembre 1988 (la » directive sur les marques « ) et de l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement (CE) n°40/942 du Conseil, du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (le » règlement sur la marque communautaire « ) ?
Un tel usage est-il fait » pour » des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la directive sur les marques et de l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement sur la marque communautaire ?
Un tel usage tombe t-il dans le champ d’application de l’une ou des deux dispositions suivantes ?
l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la directive sur les marques et l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement sur la marque communautaire ; et
(en admettant qu’un tel usage porte préjudice au caractère distinctif de la marque ou tire indûment profit de la renommée de la marque) l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques et l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement sur la marque communautaire ?
La réponse à la question 3) ci-dessus est-elle différente si :
la présentation du lien sponsorisé du concurrent en réponse à une recherche effectuée par un utilisateur à l’aide du signe en question est susceptible de conduire une partie du public à croire que le concurrent est membre du réseau commercial du propriétaire de la marque, contrairement à la réalité ; ou si
l’opérateur du moteur de recherche ne permet pas aux propriétaires de marques dans l’État membre de la Communauté concerné de s’opposer à la sélection de signes identiques à leurs marques comme mots clés par des tiers ?
Lorsque l’opérateur du moteur de recherche (i) présente un signe qui est identique (au sens de l’arrêt de la Cour du 20 mars 2003, LTJ Diffusion, C-291/00) à une marque enregistrée à un utilisateur dans des barres de recherche situées en haut et en bas des pages de recherches qui contiennent un lien sponsorisé vers le site Internet du concurrent mentionné dans la question 1) ci-dessus, (ii) présente le signe à l’utilisateur dans le résumé des résultats de la recherche, (iii) présente le signe à l’utilisateur par le biais d’une suggestion alternative lorsque l’utilisateur a entré un signe similaire dans le moteur de recherche, (iv) présente une page de résultats de recherche à l’utilisateur contenant le lien sponsorisé du concurrent en réponse à l’introduction par l’utilisateur du signe et (v) adopte l’usage du signe par l’utilisateur en présentant à ce dernier des pages de résultats de recherche contenant le lien sponsorisé du concurrent, mais que le lien sponsorisé n’inclut pas lui-même le signe ou un signe similaire, l’un quelconque de ces actes ou tous ces actes constituent-ils l’usage du signe par l’opérateur du moteur de recherche au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la directive sur les marques et de l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement sur la marque ?
Un tel usage est-il fait » pour » des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la directive sur les marques et de l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement sur la marque communautaire ?
Un tel usage tombe t-il dans le champ d’application de l’une ou des deux dispositions suivantes ?
l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la directive sur les marques et l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement sur la marque communautaire ; et
(en admettant qu’un tel usage porte préjudice au caractère distinctif de la marque ou tire indûment profit de la renommée de la marque) l’article 5, paragraphe 2, de la directive sur les marques et l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement sur la marque communautaire ?
La réponse à la question 7) ci-dessus est-elle différente si :
la présentation du lien sponsorisé du concurrent en réponse à une recherche effectuée par un utilisateur à l’aide du signe en question est susceptible de conduire une partie du public à croire que le concurrent est membre du réseau commercial du propriétaire de la marque, contrairement à la réalité ; ou si
l’opérateur du moteur de recherche ne permet pas aux propriétaires de marques dans l’État membre concerné de s’opposer à la sélection de signes identiques à leurs marques comme mots clés par des tiers ?
Si l’un quelconque de ces usages tombe dans le champ d’application, soit de l’article 5, paragraphe 1, sous a) de la directive sur les marques lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, sous a) du règlement sur la marque communautaire, soit de l’article 5, paragraphe 2 de la directive sur les marques lu en combinaison avec l’article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement sur la marque communautaire, soit encore de ces deux combinaisons :
un tel usage consiste-t-il à, ou inclut-il le fait de » transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service « , et si tel est le cas, l’opérateur du moteur de recherche » sélectionne t-il et modifie t-il les informations » au sens de l’article 12, paragraphe 1 de la directive 2000/31/CE3 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ( » directive sur le commerce électronique « ) ?
un tel usage inclut-il, ou consiste-t-il en un » stockage automatique, intermédiaire et temporaire de cette information fait dans le seul but de rendre plus efficace la transmission ultérieure de l’information à la demande d’autres destinataires du service » au sens de l’article 13, paragraphe 1 de la directive sur le commerce électronique ?
un tel usage consiste-t-il à, ou inclut-il le fait de » stocker des informations fournies par un destinataire du service » au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la directive sur le commerce électronique ?
si l’usage ne consiste pas exclusivement en des activités relevant du champ d’application de l’un ou plusieurs des articles 12, paragraphe 1, 13, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1 de la directive sur le commerce électronique, mais qu’il inclut de telles activités, l’opérateur du moteur de recherche est-il exonéré de sa responsabilité dans la mesure où l’usage consiste en de telles activités et, dans ce cas, des dommages et intérêts ou d’autres réparations financières peuvent-elles être accordées au titre de cet usage dans la mesure où il n’est pas couvert par une exonération de responsabilité ?
Si la réponse à la question 9) ci-dessus est que l’usage ne consiste pas exclusivement en des activités relevant du champ d’application de l’un ou plusieurs des articles 12 à 14 de la directive sur le commerce électronique, le concurrent peut-il être tenu solidairement responsable de l’infraction commise par l’opérateur du moteur de recherche en vertu des dispositions du droit national sur la responsabilité du complice ?