Les sénateurs Laurent BÉTEILLE et Richard YUNG ont récemment rendu un rapport sur l’évaluation de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.
Ce document fait le point sur les apports et les insuffisances de la loi qui a notamment transposé la Directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.
Sont ainsi pointées du doigt les incohérences de la jurisprudence sur la mise en œuvre du droit à l’information, la nécessité d’assurer formation et stabilité aux magistrats en charge des dossiers de propriété intellectuelle. On trouve aussi parmi les conclusions du rapport, la préconisation de faire évoluer la Directive sur le commerce électronique (recommandation n°12), en créant un statut intermédiaire d’éditeur de service, entre hébergeur et éditeur et qui serait caractérisé par le fait de « retirer un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés« . On pense très fort à Google et à ses Adwords.
Les 18 recommandations formulées à l’issue du rapport sont les suivantes :
I) LES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE CIVILE
Sur la spécialisation des juridictions
Recommandation n° 1 : Plafonner à 4 ou 5 le nombre de TGI exclusivement compétents en matière de marques, dessins et modèles, d’indications géographiques et de propriété littéraire et artistique.
Recommandation n° 2 : Confier au seul TGI de Paris le contentieux des obtentions végétales.
Sur la spécialisation des magistrats
Recommandation n° 3 : Poursuivre les efforts engagés en matière d’adéquation profil/poste afin de créer des « filières » ou des « parcours de compétence » dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Recommandation n° 4 : Améliorer la formation des magistrats spécialisés par l’obligation de suivre une formation préalable et continue de haut niveau en matière de propriété intellectuelle.
Recommandation n° 5 : Veiller à éviter le renouvellement simultané de la totalité des magistrats spécialisés en propriété intellectuelle dans une même juridiction afin de préserver la capacité d’expertise et la mémoire des dossiers.
Recommandation n° 6 : Inviter le ministère de la justice, et plus encore le CSM, à adopter une politique de gestion des carrières qui favorise une durée d’affectation d’au moins dix ans des magistrats spécialisés en propriété intellectuelle.
Sur les dédommagements
Recommandation n° 7 : Introduire en droit de la propriété intellectuelle la notion de « restitution des fruits » afin d’éviter tout enrichissement du contrefacteur de mauvaise foi.
Sur le droit à l’information
Recommandation n° 8 : Préciser que le droit à l’information peut être mis en œuvre avant la condamnation au fond pour contrefaçon, y compris par le juge des référés.
Recommandation n° 9 : Supprimer la liste des documents ou informations dont la communication est susceptible d’être ordonnée par le juge dans le cadre du droit à l’information.
Sur le droit de la preuve
Recommandation n° 10 : Prévoir que dans le cadre d’une saisie-contrefaçon, l’huissier peut procéder à une simple description détaillée des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer ces contrefaçons.
Recommandation n° 11 : Préciser que le juge peut ordonner la production d’éléments de preuve détenues par les parties, indépendamment de la saisie-contrefaçon.
Sur la lutte contre la cybercontrefaçon
Recommandation n° 12 : Faire évoluer la directive Commerce électronique de 2000 pour :
- créer, aux côtés de l’hébergeur et de l’éditeur, la catégorie d’ « éditeur de services » caractérisée par le fait de retirer un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés ;
- imposer aux « éditeurs de services » une obligation de surveillance des contenus hébergés.
II) LES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE PÉNALE
Sur la spécialisation des juridictions en matière pénale
Recommandation n° 13 : Maintenir la compétence des juridictions spécialisées et des JIRS pour les dossiers respectivement complexes et très complexes de contrefaçon.
Recommandation n° 14 : Spécialiser quatre ou cinq tribunaux correctionnels exclusivement compétents pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits de contrefaçon commis en France, autres que ceux qui apparaissent d’une grande ou d’une très grande complexité.
Sur le rapprochement entre magistrats pénalistes et civilistes
Recommandation n° 15 : Créer, au sein de chacune des juridictions spécialisées, une chambre mixte de propriété intellectuelle associant des magistrats civilistes et pénalistes, et ce afin de garantir un meilleur dialogue des juges et une harmonisation des montants d’indemnisation des titulaires de droits.
Sur la circonstance aggravante « contrefaçons dangereuses »
Recommandation n° 16 : Demander au ministère de la justice de se doter des outils permettant d’évaluer si la création d’une circonstance aggravante a conduit à une aggravation effective des sanctions pénales pour les contrefaçons dangereuses.
III) LES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DOUANIÈRE
Sur les moyens d’action des douanes
Recommandation n° 17 : Clarifier la réglementation douanière communautaire pour prévoir explicitement la possibilité pour les douanes d’intervenir pour les produits en transbordement, c’est-à-dire pour les produits de provenance et de destination extra-communautaires qui transitent en Europe.
Recommandation n° 18 : Doter les douanes d’un arsenal juridique complet pour lutter contre tous les types de contrefaçons.