Toutes les marques suivantes comportent un effet de symétrie selon un axe vertical. Les motifs qui les composent sont ainsi doublés, pour se faire face, se côtoyer, se défier, se croiser ou s’adosser.
La propriété géométrique qui est ici à l’honneur dispose d’une « élégante efficacité » (Amaury Mouchet). Elle « se trouve au cœur de la physique et des mathématiques » et n’est pas dénuée de poésie (Futura).
Et après cette galerie, on pourra voir qu’en grattant un peu, on trouve parfois des entrepreneurs de talent et quelques traces d’histoires industrielles au travers de l’exploitation dont ces marques ont fait l’objet
Quelles traces ces marques (ou leurs titulaires) ont-elles laissées ?
Les deux filles en bonnet de la première marque, qui contient le nom de Franz Küssner & Co, semblent avoir été un emblème récurrent de cette société allemande, laquelle proposait des produits alimentaire en conserve. Une version plus géométrique du graphisme comporte la scène des deux filles vues de profil qui se font face ; les personnages ont grandi, leur chapeau est devenu pointu.
La deuxième marque, Lys-Beauty, a été déposée par le graveur vichyssois Paul Devaux (1894-1949). Cet homme qui se disait « tailleur d’images » était connu pour ses gravures sur bois qui représentaient souvent des arbres. Le motif de la marque citée s’inscrit dans un autre registre. « Rien ne retranscrit mieux l’élégance (particulièrement féminine), ni le faste des saisons de Vichy que ses silhouettes immortalisées dans les parcs ou devant l’opéra« , énonce un portrait de l’artiste dont la mémoire est entretenue par son petit-fils Alain. Plusieurs expositions ou rétrospectives ont été consacrées à ce créateur.
En troisième position, la marque SBIK est une de ces marques d’origine allemande et placées sous séquestre au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. L’acronyme signifie « Schiele und Bruchsaaler-Industrie-Konzern, nous apprend une page de témoignages consacrée à des anciens de l’usine de Wintzenheim, près de Colmar. Celle-ci occupait 347 personnes en 1943, indique le site de la société d’histoire de Wintzenheim. La société, créée en 1912, fabrique alors des relais électronique et des disjoncteurs. Elle est aujourd’hui connue sous la dénomination Schiele AUH.
Quatrième de cette liste, la marque Cartha présente deux personnage soufflant dans une sorte de double flute et surplombant un verre. Déposée en 1943 par le puichéricois André Lignières, elle désigne un vin de liqueur. On pense au Carthagène (ou Cartagène), boisson alcoolisée de type mistelle (vin muté) consommée à l’apéritif en Languedoc.
Wendy Winter, la cinquième marque, est la propriété de la société Jack Winter Inc. de Milwaukee. Son fondateur, Monsieur Jack Winter fut l’un des premiers fabricants de pantalons pour femmes. Le fait de voir les jambes des deux personnages (ou d’un personnage et de son ombre portée ?) former l’initiale du prénom qui singularise cette marque n’est donc pas anodin.
Si l’on continue dans l’ordre, arrive la sixième marque au double R, dont le déposant est Monsieur André Mounique. Si celle-ci revendique des articles de publicité, celui-ci est passé à la postérité via le design de lampes. Avec Yves Jujeau, il créa la société Jumo, dont la dénomination est constituée par les deux première lettre du nom de ses fondateurs (procédé que bien d’autres utiliseront pour créer leur marque).
Arrive en septième position un étrange dessin représentant deux torses de chevaux reliés l’un à l’autre par leur arrières-trains respectifs. Cette marque au double cheval, déposée par la société britannique Oscar Moenich and Cy Ltd, a une sœur au double lion, dont les têtes sont unies de la même façon, et qui apparait sur des boites d’allumettes.
On passe directement à la onzième de ces marques pour observer une paire de dragons finement détaillés sur la publication d’un renouvellement de marque opéré en 1936. Cette marque de Denis Frères de Bordeaux représentait une société qui est toujours active en 2022. La riche documentation du site Les Entreprises Coloniales comporte des coupures de presse qui mentionnent qu’en décembre 1862 MM. Alphonse et Gustave DENIS fils d’un armateur de Bordeaux s’installent à Saïgon. La suite, entrevue sur le site précité, est une épopée dans laquelle les comptoirs coloniaux se multiplient.
La pharmacie de Norbert Masius à Metz était identifiée par les deux créatures qui figurent sur sa marque déposée en 1953. On pourrait penser à des sortes de serpents fantastiques, puisqu’il est courant de voir ces animaux associés aux professions de santé. Norbert Masius (1909-1980) était donc pharmacien « puis Docteur en Médecine de la Faculté de Nancy en 1938, il était membre actif de nombreuses sociétés savantes et assura diverses responsabilités dans le milieu de la Santé à Metz. Attiré par la botanique« , précise le site de la Société d’Histoire Naturelle de la Moselle, dont il fut le Président de 1958 à 1970. Le docteur Masius a également été membre de l’Académie nationale de Metz. Sa pharmacie, place Saint Louis, est toujours tenue par la famille près de 70 ans plus tard, mais le logo est passé aux oubliettes.
Si au passage, on a délaissé la huitième marque, qui revendique de l’huile de foie de morue et représente à cet effet le ballet de quatre poissons, c’est que son déposant, le Laboratoire Algé sis à Doullens, semble avoir disparu corps et biens. De même, les marques de produits de beauté Serge Sorel, de machettes d’Ewald Bröcking KG, d’installations de chauffage IRADOR, de vin Do Na Vin LD ou encore les ciseaux des patrons Simplex ne livrent pas facilement les secrets de leur histoire et garderont donc une part de mystère.