Après les cowboys, voici divers exemples d’indiens présents dans des marques.
La galerie d’anciennes marques ci-dessous provient d’un échantillonnage non méthodique de vieux bulletins officiels de marques françaises ; la présence réitérée d’indiens dans ces publications relève de la sérendipité. Toujours est-il que le nombre d’indiens identifiés lors de ces mêmes sessions de glanage de signes dépasse largement le nombre de cowboys. D’ailleurs les personnages indiens ont été employés par diverses énormes franchises sportives aux États-Unis, ce qui n’est pas sans poser problème. Enfin, on verra le résultat de quelques affrontements entre des marques avec des indiens et l’éternelle question de l’appréciation du risque de confusion.
Collection de marques anciennes





















Stéréotypes problématiques dans les logotypes
Utiliser le nom de tribus indiennes ou la représentation d’individus qui leurs sont apparentés est devenu un sujet épineux en Amérique du Nord. Ainsi, dans divers sports, plusieurs équipes ont du changer d’identité sous la pression de communautés qui se sentaient lésées ou blessées.
Par exemple, l’équipe de baseball de Cleaveland a abandonné le nom de Cleveland Indians pour celui de Cleveland Guardians (What’s in a name? Introducing the Guardians, Anthony Castrovince, MLB, juillet 2021).
Si on se rapproche de la Maison Blanche, l’équipe de football américain qui avait été connue depuis 1933 sous le nom des Redskins a renoncé à ce nom en 2020, sous la pression économique exercée par les manifestations en réaction au meurtre de George Floyd (Washington Redskins name controversy, Wikipedia). Devenue alors la Washington Football Team pour deux saisons, elle a pris le nom de Washington Commanders en 2022. Le nouveau propriétaire de l’équipe, Josh Harris, a confirmé début 2025 que ce nom, adopté par son prédécesseur, ne devrait pas changer (Owner: Washington Commanders won’t change ‘meaningful’ name, John Keim, ESPN, février 2025). Il réagissait aux pressions émanant de la Native American Guardian’s Association -dont l’acronyme est NAGA- pour reprendre le nom de Redskins (Native American group demands Commanders reinstate ‘Redskins’ name, Miles Schachner, New York Post, aout 2023), solution qui ne déplairait pas à Donald Trump (Trump says Washington Redskins is ‘superior’ name to Commanders, Fox 5 DC, avril 2025).
A Chicago, l’équipe de hockey sur glace n’a pas changé de nom et reste connue comme celles de Blackhawks. Les matchs à l’United Center (quand le parquet des Bulls laisse place à la glace) démarrent après un une vidéo qui exprime une reconnaissance envers les habitants traditionnels amérindiens du territoire, dans le cadre d’une politique de partenariat entre l’équipe qui porte le nom du chef Black Hawk (qui mena la guerre de Black Hawk) et les tribus ancestrales des Nations Sauks et Fox. Les supporters de l’équipe ont l’interdiction de porter des coiffes de plumes dans l’enceinte du stade (Blackhawks ban Native American headdresses at home games, CityNews Vancouver, juillet 2020).
Sur ce sujet des relations houleuses entre marques sportives et cultures indigènes, trois articles apportent des éléments plus complets : celui d’Ali Sell pour l’agence de nommage Zinzin (American Brand Names & Indigenous Cultures: Changing the Narrative, Zinzin, novembre 2022), celui de Radio Canada qui retranscrit l’avis de six autochtones (juillet 2020) et enfin celui de Gatéan Jeter (Noms et logos amérindiens : le sport US face au défi d’une société plus juste) sur le site The Strike Out, publié en aout 2020.
Un sioux à Paris
En France aussi, porter des plumes et faire référence à des tribus indiennes ou à leurs chefs emblématiques peut susciter des difficultés. En 2004, le cabaret parisien du CRAZY HORSE avait reçu la visite d’Alfred Red Cloud, émissaire sioux qui a remis une lettre à Jacques Asplanato, responsable de la salle (journal télévisé du 16 octobre 2004 archivé par l’INA ; NouvelObs, 17 octobre 2004). Cette intervention n’a néanmoins pas conduit à un changement de nom.
Et sans que cela soit lié à une intervention publique, le service Bison Futé qui diffuse des informations sur la circulation routière lors des grands départs, a fait évoluer son logo pour abandonner le personnage indien et figurer l’animal dont il titre son nom (Grande histoire et nouveau logo pour Bison Futé, Emilien Faivre, APRR, décembre 2022).
Émergences de barrières dans plusieurs textes internationaux sur la PI
Les préoccupations visant à éviter l’appropriation culturelle et des ressources génétiques ont motivé l’adoption, en mai 2024, du traité sur la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels associés (dit « GRATK »), administré par l’OMPI.
Ces mêmes inquiétudes ont pu ressurgir dans le domaine des dessins ou modèles, en deux occasions :
- lors de la finalisation de la directive 2024/2823, des dispositions ont été intégrées au texte dans le but de préserver le patrimoine culturel de tentatives de monopolisation via l’enregistrement de dessins ou modèles. Les dispositions adoptées, telles qu’elles sont formulées aux articles 13.3 et 14.2 de la directive, posent plus de difficultés qu’elles n’apportent de solutions (comme je l’ai détaillé dans un article publié dans le numéro 91 de la revue Propriétés Intellectuelles).
- lors des négociation du traité adopté en novembre 2024 à Riyad sur le droit des dessins ou modèles, dont l’article 4.2 prévoit qu’une Partie contractante « peut exiger, lorsque la législation applicable le permet, qu’une demande contienne une indication de toute demande antérieure ou de tout enregistrement antérieur, ou toute autre information, y compris des informations sur les expressions culturelles traditionnelles et les savoirs traditionnels, dont a connaissance le déposant, et qui est pertinente pour l’admissibilité à l’enregistrement du dessin ou modèle industriel.«
Échantillon de jurisprudence
Contrairement aux westerns où les indiens sont souvent aux prises avec des cowboys ou des colons, dans les affrontements qui se déroulent au sein des divisions d’opposition, chambres de recours ou tribunaux, les indiens s’affrontent entre eux.
La marque semi-figurative « INDIAN USASUN » comportant le graphisme d’un visage d’indien de profil avec sa coiffe de plumes ne peut faire valoir l’antériorité de son dépôt face à la marque subséquente « INDIAN TARIFA » associée au graphisme d’un calumet. En effet, pour la chambre de recours de l’EUIPO, il n’existe pas de risque de confusion entre ces signes.
EUIPO, ch. de rec. 23 septembre 2009, aff R 1805/2008-1
Un arrêt du TUE rejette un recours à l’encontre d’un décision qui écartait tout risque de confusion entre les deux marques suivantes comportant des têtes vues de profil. L’une représente une Indienne Taïna qui regarde vers la gauche et est associée notamment au terme « Cohiba » et l’autre regarde vers la droite et surplombe le terme « Kiowa ». Selon l’arrêt « les signes en conflit sont différents sur les plans visuel et conceptuel et [il] n’existe qu’un faible degré de similitude phonétique entre eux. Les différences visuelles et conceptuelles qui les caractérisent suffisent toutefois à neutraliser leur faible similitude phonétique, car le mot « kiowa » possède une signification claire et déterminée, de sorte qu’elle peut être saisie directement par le public pertinent« .
TUE, 18 mai 2011, aff. T-207-08
Enfin dans un troisième cas, la marque seconde a succombé. Les deux marques de l’Union Européenne représentées ci-dessous se faisaient face dans le cadre d’une action en nullité.
La proximité des éléments verbaux a été décisive. La Division d’annulation souligne que le « mot « HUPA » sera compris par une partie du public comme désignant un membre de la tribu d’indien d’Amérique du Nord, ainsi que la langue partagée par les membres de cette tribu (…). Cette signification est en outre renforcée par la représentation d’un visage d’indien dans le signe. » Elle précise que « les termes adjoints dans la marque contestée [« shoes et « our passion »] sont non-distinctifs ou faiblement distinctifs » .
EUIPO, Div annul. 21 janvier 2020, aff. n°21 663 C.