Les reptiles aux crocs acérées constituent le trait d’union des diverses marques publiées ici. Ainsi le crocodile qui orne les polos Lacoste n’est pas parfaitement solitaire. La puissance de ce carnassier a inspiré plusieurs entrepreneurs : on voit dans ces logos qu’il s’agit de maitriser le danger que représente un animal aussi redoutable, de mettre sa force à son profit, voire de l’apprivoiser au point d’en faire un animal presque sympathique.
Parmi ces marques crocodilesques, on peut relever les traces que certaines ont laissées.
La Biothérapie qui représente un soldat romain dominant un reptile est une marque détenue par une société éponyme. Le laboratoire Biothérapie qui est à l’origine de la marque de dentifrice Sanogyl, est également « connu pour avoir eu comme collaborateur, de 1930 à 1937, le Dr Louis- Ferdinand Destouches, plus connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline » (ace15.com).
Caïman (roi des rhums, rhum des rois) identifie une boisson dont le nom évoque des iles de la mer des Caraïbes. Son titulaire, la Compagnie des Planteurs Réunis Rhum Caïman, semble avoir eu du mal à comptabiliser la consommation de l’un de ses clients (dont on ignore le prénom), comme on peut le constater sur le courrier rectificatif ci-dessous. Divers visuels de la marque furent dessiné Paul Igert. Le thème récurent est celui du reptile neutralisé, soit par la bouteille, soit par un habile consommateur.
Le riz Caïman était commercialisé par la Compagnie Agricole et Industrielle de Madagascar. Il ne s’agit certainement pas d’un effet du hasard : les initiales de cette dénomination sociale sont C.A.I.M… Cette société coloniale créée en 1920 exploitait notamment des rizeries à Majunga et à Marovoay.
Dans le domaine des limes et râpes, les Etablissements Jacques Roland ont exploité les marques distinguant deux animaux : Le Caïman et Le Crocodile, mais chacune associé au même visuel. Ce spécialiste des limes et râpes localisés à Le Chambon Feugerolles (42) n’y était pas seul. Selon Wikipedia, en 1880 « la ville recensait 480 métallurgistes (772 en 1912), environ 1 000 ouvriers de forge et 900 pour la taille des limes« .
La marque figurative visant notamment des « matchettes » de Ralph Martindale & Cie Limited, déposée le 29 octobre 1953 à 10h 22, est toujours utilisée presque 70 ans plus tard : elle figure au centre du portefeuille de marques du groupe britannique, dont le site précise que la marque “Crocodile” fut initialement enregistrée en Angleterre en 1876, avant de l’être dans 97 pays.
La dénomination SLIP NAXOS KROKODIL fait référence à la société suédoise qui déposa dans les années 1960 le graphisme stylisée d’une mâchoire de crocodile. En 1960, SlipNaxos a développé des papiers de verre en utilisant un nouveau type de papier, un liant modifié et de l’oxyde d’aluminium blanc comme agent abrasif. Le nom «série K», initialement utilisé pour identifier ces produits, a été remplacé par le mot suédois «Krokodil» et le graphisme stylisé de l’animal aux dents acérées (Tooltech). En 2003 la marque a été acquise par l’italien Nastroflex qui en a fait son emblème.
La marque des ÉTABLISSEMENTS ALLIGATOR de la société éponyme sise avenue de Daumesnil (puis avenue de Friedland) vise en particulier des machines et appareils pour l’entretien des scies. En pratique, il s’agissait notamment de redresser les dents des scies (en les écrasant ou en les rectifiant), comme l’indiquent les brochures ci-dessous.
La marque de papier à cigarette LE CROCODILE a été déposée en 1888 par le sieur Joseph Toussaint Caussemille. Celui-ci fonde en 1847 la société Caussemille Jeune & Cie qui produira des allumettes (Marseille autrement). En 1872, la manufacture marseillaise compte 500 ouvriers. Elle domine le marché régional et national des allumettes ainsi qu’une part des marchés étrangers. En droit des marques, le nom de Caussemille apparait dans une affaire où il a été jugé que, « s’il est de principe que la marque de fabrique est l’accessoire du fonds de commerce et est, d’ordinaire, comprise dans la cession qui est faite du fonds, cette règle n’a pas à recevoir son application à l’occasion de la loi qui a prononcé l’expropriation des fabriques d’allumettes et constitué de ce chef un monopole au profit de l’État ; en ce cas, en effet, les fabricants, dépossédés du droit d’exercer leur industrie sur le sol français, ont conservé, après comme avant, leur personnalité commerciale, et, maîtres de porter leurs établissements à l’étranger, ils ont gardé, en même temps, la propriété exclusive des signes extérieurs qui en signalent les produits (Rej. 8 nov. 1880, aff. Caussemille et Roche (3), Pataille. 81.280). » (Eugène Pouillet, Traité des marques de fabrique et de la concurrence déloyale en tous genres, 2e éd.,1883, §98 bis).
KIMOR, est une marque semi-figurative déposée par Marcel Develoo, un autre résident du Chambon-Feugerolles qui œuvrait dans le domaine des limes. Son nom aurait pu faire figurer cette marque dans une autre de nos collections.
Enfin, à tous seigneur tout honneur, la marque figurative des Chemises Lacoste est certainement la plus connue parmi celles de ce recueil. Dans les années 1920 le jeune tennisman français René Lacoste « avait la ténacité du crocodile sur le court, c’est pourquoi il a été surnommé ainsi par un journaliste américain » (Lacoste.com). Le dessin de l’animal prend forme en 1927 : René Lacoste demande à son ami styliste Robert George de lui broder un Crocodile sur les vestes blanches qu’il porte lors de son entrée sur le court. En 1933, il fonde Lacoste avec André Gillier. Il s’agit de la première marque à apposer son logo sur un vêtement. Le succès de la marque a été tel que la contrefaçon a donné énormément de fil à retorde à l’inventeur du polo. Au nombre des causes pour lesquelles Lacoste s’est engagé, le projet « Save Your Logo » vise à lutter contre la disparition d’espèces menacées. Le site du projet souligne que « LACOSTE est la marque internationale la plus clairement associée à un animal. »