Les Echos ont assigné en contrefaçon Les Editions Rotatives, qui publient Charlie Hebdo.
Le quotidien économique reproche à l’hedomadaire satirique la reproduction à l’identique de la marque Les Echos
, suite à la publication dans l’édition du 5 janvier 2005 d’un dossier intitulé « Tsunami : Le supplément des « Echos » auquel vous avez échappé« .
Selon l’assignation, « cette double page est surmontée des titres Les Echos -le quotidien de l'économie
, de surcroît dans la même taille typographique que celle utilisée pour le titre en une du quotidien« .
Charlie Hebdo a diffusé un communiqué soulignant qu’il « s’agit d’une parodie clairement annoncée comme telle en couverture« .
Si la question de la parodie de marque sur internet a récemment donné lieu à quelques affaires médiatisées (Danone, Esso et Areva -chacune comportant diverses instances, voir Juriscom.net-), il s’agissait de cas de détournement de marques par des associations dénonçant la politique menée par les titulaires de ces marques. La contrefaçon n’était pas retenue en l’absence d’usage commercial du signe détourné pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux visés par la marque. En l’espèce, l’appréciation du tribunal sera certainement plus délicate, les parties étant l’une et l’autre éditeur de presse.
Source : AFP (via Voila)
Voir aussi le billet de Droit du Divertissement.
Si le récit qu’en a fait la presse est exact, c’est à l’intérieur d’un numéro de Charlie Hebdo que se trouvait ce « supplément auquel nous avons échappé ». Dès lors, est-ce que l’usage de « Les Echos » jouait le rôle qu’a la marque du journal économique ? Ceux qui ont acheté Charlie ont été guidés / attirés par le signe Charlie sur la couverture, pas par le signe Echos, qu’ils ont découvert à l’intérieur d’un journal bien connu pour être parodique… Si cela était illégal, que faut-il penser de la reproduction à l’identique de la marque Les Echos sur ce blog (autre organe de communication et support de communication…), où elle figure aujourd’hui en tête de page ? 😉
Comme il s’agit d’une reproduction pour désigner une publication (vraie ou fausse, on verra si ça a une influence pour le tribunal…) on est dans le cadre de l’article L.713-2 du CPI. C’est uniquement lorsque sont invoquées les dispositions de l’article L.713-3 que le risque de confusion doit (selon une jurisprudence constante) être démontré. D’où ma prudence, d’autant plus que je n’ai pas eu l’assignation sous les yeux…
Quant au fait que la marque ne soit pas utilisée en titre de la publication elle-même, mais à l’intérieur de l’hebdomadaire, j’ai sous les yeux un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 Novembre 2001 (Numéro JurisData : 2001-180059) :
PS : si l’illustration de mes billets consacrés aux marques par ces marques elles-mêmes leur porte atteinte, la publication hebdomadaire des BOPI et autres Gazettes ne fait elle pas des Offices de PI des contrefacteurs universels de facto 😉 ?!
Mon humble avis sur ton PS : un problème identique se pose lors de la reproduction d’oeuvres protégées (des paroles de chanson par exemple) dans la décision de justice qui se prononce sur la contrefaçon de celles-ci. Mon interprétation est que la personne qui assigne en contrefaçon donne une licence implicite à la justice, celle de reproduire l’oeuvre dans les documents procéduraux, afin d’obtenir reconnaissance de son droit. De la même manière, je dirai que ceux qui souhaitent déposer une marque acceptent la procédure des institutions qui les délivrent, et consentent à la reproduction des signes qu’ils veulent protéger, consentement qui est aussi une condition de leur protection.
Moi je ne vais pas avoir peur de dénoncer ce quotidien extrèmiste qu’est Les Echos. Pour en avoir été lecteur au cours de mes études, je pense que la parodiequ’en a fait Charlie Hebdo est non seulement méritée mais aussi fondée, et je m’explique. Alors que le Tsunami fait rage, Les Echos détaillent en couverture les chutes et hausses des actions des entreprises les plus touchées… Certes, c’est de leur fonction, mais c’est tout aussi inhumain que l’emprise de cette économie sur ce monde. Alors oui cette parodie m’a bien fait rire, effectivement il s’agit de satyre, et si jamais un quotidien aussi sérieux que les Echos se refusent à le prendre en tant que tel, c’est bien que la guerre de l’économie extrèmiste contre la culture, la réflexion et limite les têtes pensantes (c’est-à-dire chacun de nous) est déclarée depusi fort longtemps.