Philippe Armand, expatrié en Inde, publie des chroniques sur la vie quotidienne dans ce pays. Récemment l’un de ses billets illustrait l’attrait suscité par les marques notoires et les détournements dont elles sont victimes. Ainsi, on peut trouver en Inde des sandales « Nokia », des rasoirs « Polo » (dont le logo est repiqué sur celui des bonbons troués) ou encore des brosses à dents « KitKat » !
Deux textes essentiels prévoient la protection des marques notoires en Inde : l’article 6 bis de la Convention d’Union de Paris (CUP) et la loi indienne sur les marques du 30 décembre 1999.
L’article 6bis de la CUP protège les marques notoirement connues, même si elles n’ont pas été déposées par leur titulaire légitime, contre leur dépôt (par des tiers) et leur usage mais ceci dans le cadre du principe de spécialité (i.e. pour les produits et services pour lesquels les marques sont notoirement connues).
A trade mark which-
(a) is identical with or similar to an earlier trade mark; and
(b) is to be registered for goods or services which are not similar to those for which the earlier trade mark is registered in the name of a different proprietor,
shall not be registered if or to the extent the earlier trade mark is a well-known trade mark in India and the use of the later mark without due cause would take unfair advantage of or be detrimental to the distinctive character or repute of the earlier trade mark.
Des dispositions légales interdisent également l’usage d’une marque notoire sans l’autorisation de son titulaire.
On ne peut donc prétendre qu’il existe un vide juridique en Inde qui permette la commercialisation des articles tels que ceux présentés ci-dessus. D’un point de vue micro-économique, l’action des titulaires de droits pour lutter contre ce piratage doit intervenir à deux niveaux successifs : la veille (commerciale : remontée d’informations depuis les marchés locaux, et juridique : surveillance des dépôts de marques) et la mise en œuvre des droits (mises en demeures, actions judiciaires, oppositions). D’un point de vue macro-économique, il appartient aux pouvoirs publics et associations de professionnels d’assurer une politique de communication pour mieux faire connaitre les règles du jeu économique et les enjeux de la contrefaçon.
Bonjour Frederic,
Si je comprends bien, la phrase que j’ai publie sur le blog cite « Encore faut-il avoir pense a proteger ses marques pour toutes les categories de produits… » est fausse. Je me remets donc a l’ouvrage et corrige.
Mais precisons peut-etre que si sur le papier la societe lesee est en position forte comme vous le dites justement (« mises en demeures, actions judiciaires, oppositions »), il n’en reste pas moins que les solutions amiables et les pressions plus ou moins voilees seront sans doute a preferer, pour des raisons de temps et de cout.
En effet, il n’est pas rare qu’un proces dure une bonne decennie. Par exemple celui opposant la societe laquelle j’appartiens a un distributeur ayant « orchestre » sa faillite pour ne pas payer ses factures. Et dans ce cas il s’agit pourtant d’une affaire criminelle dans le droit indien (cheques en bois)…
Bref, tout le monde sait qu’une quelconque action aupres des autorites prend des annees. La seule chose qui fasse peur est donc d’avoir a payer des avocats (et des juges…) pendant tout ce temps 🙂
Question: si Nokia deposait une plainte pour les couvertures ci-dessus, la loi autoriserait-elle le fabricant de couvertures a continuer d’utiliser le logo jusqu’a l’issue (certainement negative) du proces??
Merci
Philippe
Une mesure d’interdiction est une sanction et en principe elle ne devient obligatoire qu’à l’issue du procès, quand le tribunal a rendu un jugement et qu’il n’y a pas eu d’appel, ou en cas d’appel quand l’arrêt confirme cette sanction. Donc, oui sur le principe, une sanction ne sera applicable qu’à l’issue du procès.
Mais en pratique le présumé contrefacteur pourra préférer prendre l’initiative de cesser l’exploitation qui lui est reprochée, pour éviter d’alourdir le préjudice qu’il devra réparer (en payant des dommages et intérêts).
Certains systèmes juridiques (notamment en droit français) des procédures d’urgence (référé) permette d’obtenir rapidement une décision d’interdiction si l’atteinte à la marque est manifeste.