Voici le texte de la motivation et du dispositif du jugement rendu ce jour par la 3ème section de la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris dans l’affaire opposant L’Oréal à eBay.
Cette décision, qui était très attendue, marque une évolution importante dans la jurisprudence sur les prestataires de services en ligne. En effet les magistrats appliquent le régime de responsabilité allégée des hébergeurs à la plate-forme d’enchères en ligne.
A cette heure-ci, ce texte est probablement une exclusivité de pmdm.fr pour ses lecteurs.
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*sur la mise hors de cause de certaines sociétés eBay:
Les défenderesses opposent, en application de l’article 32 du Code de Procédure Civile, l’irrecevabilité des demandes formées à l’encontre des sociétés eBay Inc, eBay France et eBay Europe SARLK car leur qualité à agir ferait défaut puisqu’ elles ne sont ni hébergeurs, ni exploitantes du site «ebay.fr».
II ressort des pièces produites que les trois sociétés eBay précitées interviennent dans la gestion du site «ebay.fr»: la société eBay Inc est l’hébergeur technique de ce site sur ses serveurs, la société Ebay France assure la représentation des autres sociétés eBay sur le territoire fiançais et la société Ebay Europe est la cocontractante des utilisateurs domiciliés ou résidant dans l’Union Européenne.
Dès lors, les défenderesses en opposant leur défaut de qualité à agir en défense, formulent en réalité des moyens au fond visant à contester toute responsabilité dans les actes incriminés par les demanderesses compte-tenu de leur rôle respectif dans la gestion du site « ebay.fr».
L’exception d’irrecevabilité est en conséquence rejetée.
* sur le cadre juridique des prestataires intermédiaires dans le commerce électronique:
Il est constant que les opérateurs intervenant dans le commerce électronique ont un régime de responsabilité relevant du droit. commun sauf à démontrer que leur activité relève du régime «aménagé» prévu par la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 et sa loi de transposition en droit français.
-sur la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique:
Aux termes de son considérant 40, cette Directive précise que « les divergences existantes et émergentes entre les législations et les jurisprudences des Etats membres dans le domaine des prestataires de services agissant en qualité d’intermédiaire empêchent le bon fonctionnement du marché intérieur, en particulier en gênant le développement des services transfrontaliers et en produisant des distorsions de concurrence (…) ». Elle ajoute dans son considérant 41 « la présente directive instaure un équilibre entre les différents intérêts enjeu et établit des principes qui peuvent servir de base aux normes et aux accords adoptés par les entreprises».
Aussi, la Directive met-elle en œuvre un régime de responsabilité spécifique pour certaines activités des prestataires intermédiaires de service.
Dans sa section 4, elle distingue trois catégories d’activités de prestataires intermédiaires, c’est-à-dire d’opérateurs qui fournissent, stockent, ou transmettent des contenus sous forme électronique à la demande de destinataire de services, c’est-à-dire non seulement du consommateur du contenu mais également de toute personne qui rend accessible ce contenu que ce soit à titre personnel ou professionnel:
-le simple transport (formule désignant la fourniture d’accès mais aussi l’activité de transmission de contenus sur un réseau réalisé par le simple opérateur de communications électroniques);
-le « caching » (formule désignant la fourniture d’un service consistant à transmettre sur un réseau de communication, des informations fournies par un destinataire du service avec une prestation de stockage automatique, intermédiaire et temporaire dans le but de rendre plus efficace la transmission ultérieure de l’information à la demande d’autres destinataires du service);
-l’hébergement (formule désignant la fourniture d’un service consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service).
Pour ces trois catégories de prestations, le régime de responsabilité des prestataires est limitée et il ne peut leur être imposé d’obligation générale de surveillance sur les contenus qu’ils stockent ou transmettent, pas plus que de procéder à une recherche active de faits ou circonstances indiquant des activités illicites,
La Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique
(LCEN) du 21 juin 2004 a transposé en droit français la Directive précitée.
Elle reprend les trois régimes distincts de la Directive à savoir:
-le statut d’hébergeur qui est défini aux termes de l’article 6-1 2° comme « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toutes nature fournis par des destinataires de ces services ».
Ce fournisseur d’hébergement bénéficie d’une limitation de responsabilité du fait des contenus hébergés; il ne peut être responsable sur le plan civil et pénal des informations stockées que dans les cas :
* où il avait « effectivement connaissance de l’activité et de l’information illicites » et « dès le moment où il en a eu connaissance » n’a pas « agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible »;
– le destinataire du service d’hébergement agit sous son autorité ou son contrôle.
– le statut de fournisseur d’accès (défini comme assurant une activité de fourniture d’accès à un réseau de télécommunication) et de transporteur (défini comme une activité de transmission de contenu sur un réseau de télécommunications);
– le statut de prestataire assurant une fonction de cache.
Ces deux dernières catégories bénéficient également d’une limitation de régime de responsabilité.
Il ressort de ces dispositions que les régimes de responsabilité « aménagés» ne sont attachés qu’aux activités précédemment définies.
Il convient en conséquence de rechercher le statut de l’activité faisant grief, un intermédiaire technique dans la prestation de services qu’il offre, pouvant avoir différentes activités dont les unes bénéficient du régime de responsabilité « aménagé » et dont les autres relèvent de la responsabilité de droit commun, étant précisé que le régime « aménagé » étant un régime d’exception au droit commun, son champ d’application doit être apprécié strictement.
*sur les faits incriminés par les sociétés du Groupe
L’Oréal:
Il ressort du dispositif des dernières écritures des sociétés demanderesses qu’en définitive celles-ci font grief au titre de la contrefaçon et de la violation de leur réseau de distribution sélective, aux sociétés eBay de:
-mettre à disposition moyennant rémunération des annonces d’offre de vente portant sur des parfums ou produits cosmétiques contrefaisants;
-vendre des espaces publicitaires renvoyant à ces offres contrefaisantes;
-mettre en place des moyens de promotion et de commercialisation de tels produits contrefaisants;
-d’exploiter une plate-forme de vente aux enchères sur lesquels sont proposés des produits de contrefaçon.
-sur le régime applicable aux différentes activités concernées par ces griefs:
– sur la mise à disposition moyennant rémunération d’annonces portant sur des produits contrefaisants:
Il est acquis aux débats que sur le site «ebay.fr»:
* les vendeurs (particuliers ou professionnels) s’inscrivent suivant un formulaire électronique leur permettant d’accepter les conditions générales d’utilisation du site; ils se choisissent des pseudonymes;
* ils rédigent et mettent en ligne leurs annonces suivant une procédure électronique proposée par le site ; celles-ci comportent notamment un titre, une description de l’objet et une photographie prise par eux ainsi qu’un prix; des outils logiciels d’aide à la rédaction leur sont proposés;
* le processus d’enchères ou de vente à prix fixe est automatisé ;
* le paiement et la livraison du produit vendu ont lieu sans intervention de la plate-forme ;
* un service de paiement sécurisé, un service de garantie sont proposés et différents services d’aides optionnels sont proposés aux vendeurs;
* Ebay perçoit du vendeur une rémunération consistant en des frais d’insertion de l’annonce, des frais de commission sur le prix de vente du produit et des frais pour les services additionnels.
Les sociétés Ebay soutiennent que cette activité relève du régime de l’article 6-1 20 de la LCEN puisqu’elles assurent pour la mise à disposition des internautes un service de stockage des annonces rédigées et mise en ligne par les vendeurs.
Les sociétés du Groupe L’Oréal répliquent que si eBay «héberge» des « offres» «postées» par les tiers , il s’agit d’une activité accessoire par rapport à son activité commerciale d’exploitante d’une plate-forme de courtage aux enchères sur internet pour laquelle elle est soumise à une responsabilité de droit commun.
Il convient de rappeler qu’eu égard aux possibilité offertes par les nouvelles technologies, les prestations commerciales sur internet sont de nature toujours plus complexes, les opérateurs pouvant réaliser sur un même site des activités de nature très différentes, C’est ainsi par exemple qu’un fournisseur d’accès pourra également sur son site proposer à ses clients différents services: messagerie, forum de discussion, partages de vidéos, actualités, météo , liens avec d’autres sites, audition de musique, lecture de vidéos, liens commerciaux, encarts publicitaire etc….
Dans ces conditions, il n’est plus possible de raisonner pour un prestataire en activité principale et en activité accessoire, cette distinction n’étant plus pertinente dans le commerce électronique.
Il convient en conséquence de s’interroger sur la nature de l’activité liée à la mise en ligne des annonces contrefaisantes sur le site « ebay.fr » et à la vente des produits contrefaisants.
Au niveau technique, les sociétés Ebay stockent les annonces réalisées par les vendeurs et les mettent en ligne pour leur compte.
Si, ces sociétés encadrent le processus de rédaction, proposent des aides à celle-ci (utilisation d’informations standards, d’un logiciel de manipulation de photos …), il n’en demeure par moins qu’en définitive, seul le vendeur décide de l’objet mis en vente, du titre de l’annonce, du prix de l’objet, de sa description et de la photographie diffusée ainsi que de la mise en ligne de l’annonce dont il peut d’ailleurs décider du retrait et que tout le processus de la vente (échange de l’accord des parties, paiement du prix et livraison du produit) s’ effectue en dehors de l’intervention d’Ebay.
Ebay joue un rôle d’intermédiation dans le rapprochement des vendeurs et des acquéreurs mais elle le fait via la mise à disposition de moyens techniques (logiciels et matériels) sans intervention sur le contenu des offres, les négociations entre les cocontractants et l’exécution du contrat, D’ailleurs, les conditions d’utilisation d’eBay indique parfaitement aux utilisateurs du site qu’elle ne procède à aucun contrôle des annonces et qu’elle ne prend aucun engagement quant à la bonne fin des transactions.
Certes, sa prestation est payante et une partie du prix est basé sur celui de la transaction réalisée entre le vendeur et l’acquéreur mais cette assiette est librement consentie par le vendeur qui adhère à la plate-forme et n’est nullement illicite et là encore, elle n’entraîne aucun contrôle sur le processus de la vente.
Si effectivement, les sociétés eBay se font consentir une licence des droits sur les informations, cette autorisation d’exploitation n’est demandée aux vendeurs que pour permettre la diffusion des annonces pendant le temps de leur mise en ligne; elle ne change pas la nature de l’activité d’eBay dans le stockage et la mise en ligne des annonces.
La structuration du site «ebay.fr» résultant de la conception par les sociétés Ebay d’une architecture et de l’instauration de catégories de classement d’objets relève d’une nécessité imposée par la nature et le nombre des annonces mises en ligne (plus de quatre millions en moyenne) pour faciliter leur consultation par les acquéreurs potentiels mais n’a aucune incidence sur les annonces et les transactions.
Enfin, les services additionnels offerts par eBay (programme PowerSeller, outils statistiques, service paypal, boutiques ebay.. ) sont des outils facultatifs permettant aux vendeurs d’améliorer la commercialisation des produits qu’ils offrent en vente mais sans incidence sur leur liberté de rédaction des annonces, de mises en ligne, de transaction et de garantie des acquéreurs.
Les sociétés Ebay dans leur activité de stockage et de mise en ligne d’annonces ne sauraient non plus être considérées comme exerçant une activité de régie et de support publicitaire, les annonces n’assurant aucune promotion des produits mais présentant une offre en vente de ceux-ci.
En conséquence, le tribunal considère que 1’activité de stockage et de mise en ligne d’annonces exercée par Ebay doit être qualifiée d’activité d’hébergement au sens de la Directive et de la loi précitées , l’aide qu’elle apporte aux vendeurs n’ emportant pas autorité ou contrôle de celui-ci au sens de l’article 6 de la loi du 21juin2004.
– sur la vente d’espaces renvoyant à des annonces contrefaisantes et la mise en place de moyens de promotion et de commercialisation de produits contrefaisants:
Si l’activité d’Ebay de stockage et de mise en ligne des annonces relève du régime de l’hébergement, il n’en est pas de même pour les moyens de promotion qu’elle met en œuvre sur son site pour inciter les internautes à visiter son site, son rôle alors n’étant plus passif ni pour les activités de régie publicitaire qu’elle exerce également.
C’est ainsi qu’elle ne peut revendiquer son statut d’hébergeur:
* s’agissant des rubriques figurant sur sa page-écran qui ne sont pas indispensables à celle activité mais qui relève de la promotion de celle-ci, il en est par exemples ainsi des rubriques « vendez», «tout savoir» , «tout connaître» «planète eBay», «à la une d’eBay» et «plus recherchés» (page d’accueil du 10 mai 2007);
* des bandeaux publicitaires et liens commerciaux figurant sur ses pages-écran.
Ces activités étant d’une nature différente et n’étant pas indispensables à l’activité d’hébergement relèvent du régime de responsabilité de droit commun, le régime aménagé d’hébergeur ne pouvant s’apprécier que restrictivement ainsi qu’il a été dit précédemment.
– sur l’activité d’exploitante de la plate-forme de ventes aux enchères eu ligne:
Cette activité regroupant les activités précédemment examinées bénéficie du régime de responsabilité propre à chacune d’entre elles sans qu’un régime l’emporte sur les autres.
* sur la responsabilité d’hébergeur des sociétés Ebay :
Ainsi qu’il a été dit précédemment, la responsabilité d’un hébergeur ne peut être engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de service s’il n’avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
L’article 6 de la loi du 21 juin 2004 précise que la connaissance des faits litigieux est présumée acquise par l’hébergeur lorsqu’il lui est notifié les éléments suivants:
-la date de la notification,
-si le notifiant est une personne physique: ses noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance; si le requérant est une personne morale; sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement;
-les noms et domicile du destinataire ou s’il s ‘agit d’une personne morale sa dénomination et son siège social,
-la description des faits litigieux et leur localisation précise;
-les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et justifications de faits,
-la copie de la correspondance adressée à I ‘auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté
Il est certain que la lettre du 22 mai 2007 du Groupe L’Oréal à la société Ebay Europe Sarl ne portaient pas les éléments précités puisqu’il s’agissait pour le Groupe L’Oréal de dénoncer un phénomène de contrefaçon de ses marques persistant sur l’ensemble des plateformes eBay à destination des internautes européens et non de dénoncer telles ou telles annonces particulières.
Mais, il n’est pas contestable que sont mises en ligne régulièrement des annonces d’offre en vente portant sur des parfums ou des produits cosmétiques portant les marques des sociétés demanderesses et ce, sans l’autorisation de celles-ci, les produits étant soit des faux soit des produits acquis en dehors des réseaux de distribution sélective (cf les constats et pages écran produits aux débats et les jugements intervenus contre des vendeurs).
Les échanges de courriers entre les parties entre mai et juillet 2007 montrent que les pourparlers engagés ont échoué en raison d’une divergence sur les mesures à prendre pour prévenir la contrefaçon: le Groupe L’Oréal aurait souhaité que des contrôles à priori soient effectués par EBay sur les annonces alors que les sociétés Ebay voulaient améliorer les systèmes de prévention déjà mises en place et notamment incitaient les sociétés du Groupe L’Oréal à utiliser son programme VeRo.
Il est avéré que la prévention de la contrefaçon sur la plate-forme Ebay se heurte dans Je domaine des parfums et des cosmétiques à des difficultés importantes tenant:
– au nombre d’annonces (en moyenne 15856 en juin 2007 sur le site ebay.fr);
– à la difficulté, à la lecture de celles-ci, de repérer les annonces illicites en raison de la qualité des contrefaçons qui nécessite I ‘examen matériel du produit (modifications de détails mineurs entre l’authentique et le faux);
– à l’anonymat des vendeurs qui certes est imposée pour la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel mais qui facilitent par la multiplication des pseudonymes pour un même vendeur, la réitération d’annonces contrefaisantes;
– à l’existence d’un réseau de distribution sélective dont les conditions ne sont pas homogènes sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne, ce qui permet aux vendeurs sur «ebay» des acquisitions de produits bénéficiant de l’épuisement du droit de marques auprès de fournisseurs qu’ ils ne renseignent pas dans leur annonce.
Cette prévention est pourtant indispensable non seulement parce qu’il s’agit d’activités illicites mais également parce qu’elle porte sur des produits pouvant mettre en péril la santé publique.
Aussi, le tribunal considère que la prévention de la contrefaçon ne sera efficace dans ce domaine que par une collaboration étroite entre les titulaires des droits de marques et les sociétés Ebay .Pour atteindre l’objectif commun de diminution de la contrefaçon et au vu des contraintes de l’autre, les parties devront accepter la mise en œuvre de mesures dont elles partageront dans des conditions à définir entre elles les frais de prise en charge étant souligné qu’ aucun type de mesure ne doit être écarté à priori.
Afin d’aider les parties à se mettre d’accord, le tribunal leur propose de recourir à une mesure de médiation judiciaire et sursoit à statuer sur le principe de responsabilité des sociétés Ebay pour les faits relevés dans les constats d’huissier produits aux débats ainsi que sur les demandes d’indemnisation y afférent.
-sur la responsabilité des sociétés Ebay du fait de leurs activités promotionnelles et publicitaires:
Le tribunal est dans l’incapacité au vu des écritures des demanderesses de trouver les faits précis qu’elles incriminent au titre des activités promotionnelles et publicitaires des sociétés Ebay, étant relevé que l’existence de liens commerciaux sur «ebay.fr» utilisant des mots-clefs argués de contrefaçon font l’objet d’une autre instance pendante devant la 2eme section de la 3eme chambre de ce tribunal.
S’il est certain que la sélection d’annonces comportant une reproduction ou une imitation de marque et leur mise en valeur sur les pages écran du site « ebay» peut constituer des contrefaçons , encore faut-il que les demanderesses définissent précisément lesquelles, le tribunal ne pouvant sans excéder sa saisine, faire une analyse en ce sens des pages du site «ebay» produites aux débats.
Dans ces conditions, le tribunal rejette le grief de contrefaçon du chef de ces activités.
* sur les antres demandes:
S’agissant de la violation des réseaux de distribution sélective des sociétés du groupe L’Oréal, ces demandes sont fondées sur les mêmes faits que précédemment Dès lors sont rejetées celles qui relèvent des activités promotionnelles ou publicitaires de eBay. Pour celles fondées sur l’activité de stockage et de mise en ligne des annonces, il est sursis à statuer.
Les sociétés du Groupe L ‘Oréal font également grief aux société défenderesses sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil de n’avoir pas mis en œuvre les moyens techniques qu’il leur appartenait de prendre afin de limiter ou empêcher la diffusion de contrefaçons ou de ventes illicites sur la plate-forme électronique «ebay.fr».
Si les principes de loyauté et de libre concurrence attachés à toute activité commerciale imposent à toute entreprise intervenante sur le marché de s’assurer que son activité ne génère pas des actes illicites au préjudice de tout opérateur tiers, cette obligation n’est pas de résultat mais de moyens, la Directive précitée ayant interdit aux états d’imposer aux prestataires de services dont le régime de responsabilité était limité, une obligation de surveillance à caractère général.
En l’espèce, les sociétés Ebay justifient avoir mis en œuvre des moyens importants de lutte contre la contrefaçon: clause contractuelle, message à destination des vendeurs et des acquéreurs, signalement par les internautes d’annonces illicites, programme VeRo à destination des titulaires de droits, création de pages «perso» par ces deniers , personnel dédié, lancement de recherche sur la base de mot-clé (copie, imitation etc…)…
En outre, il y a lieu de relever qu’après la réception du courrier du 22 mai 2007 adressé par le Groupe L’Oréal, les sociétés Ebay se sont déclarées prêtes à engager des pourparlers pour améliorer la situation existante au regard des spécificités exposées par ces sociétés Ces pourparlers ont été rompus unilatéralement par les sociétés du Groupe L’Oréal qui ont préféré la voie contentieuse.
Dans ces conditions, le tribunal considère que les sociétés
Ebay n’ont commis aucune faute sur ce fondement.
Compte-tenu de la proposition de médiation formée par le tribunal, aucune considération d’équité ne commande de faire application de l’article 700 en l’état.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, par décision en premier ressort et remise au greffe,
Rejette l’exception d’irrecevabilité des demandes dirigées à l’encontre des sociétés eflay mc, eBay France et eBay Europe,
Dit que pour leur activité de stockage et de mise en ligne des
annonces d’offres en vente sur le site «ebay.fr», les sociétés Ebay bénéficient du régime de responsabilité aménagé d’hébergeur prévu par l’article 6 -2 de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique;
Dit que pour les autres activités qui ne sont pas indispensables à l’exercice de cette activité d’hébergement, les sociétés Ebay relèvent du régime de responsabilité de droit commun,
Déboute les demandes des sociétés du Groupe L’Oréal fondées sur des faits relevant de ces dernières activités,
Dit que les sociétés Ebay ont, par la mise en œuvre des moyens de lutte contre la contrefaçon sur leur plate-forme électronique rempli leur obligation de loyauté vis-à-vis des autres opérateurs du marché et déboute les sociétés du Groupe L’Oréal de leurs demandes fondées sur les articles 1382 et 1383 du code civil;
Sur les autres demandes, propose aux parties afin de trouver une issue amiable à leur différend de mettre en œuvre une mesure de médiation judiciaire telle que prévue aux articles 13 1-1 et suivants du Code de Procédure Civile;
Pour ce faire, renvoie les parties à l’audience de la mise en état du lundi 25 mai 2009 à 8 heures 45 pour donner leur position sur le recours à cette mesure,
En l’attente sursoit à statuer sur ces demandes,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Réserve les dépens,
Fait et Jugé à Paris, le 13 mai 2009,
LE GREFFIER LE PRESIDENT