Ce portrait, au sourire un peu plus crispé que celui de la Joconde, est une marque enregistrée pour désigner les produits suivants :
3- Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser; savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices.
14- Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses; horlogerie et instruments chronométriques.
15- Instruments de musique.
Avec une telle marque communautaire, comment ne pas revenir sur des questions qui remplissaient les premiers billets du pMdM ? Pour mémoire, on avait identifié des marques constituées par la photographie de Lolo Ferrari ou celle du footballeur Robert Pires.
Puis avec l’évolution de la jurisprudence sur la validité des signes « hors normes », comment ne pas également s’interroger sur la façon dont sera perçu ce signe par le public : verra-t-il effectivement un signe distinctif capable d’identifier l’origine commerciale de produits et de service ou bien simplement le portrait d’un artiste ?
Il semble que cette marque communautaire n’ait pas subi d’objections lors de son examen, ce qui indiquerait que l’OHMI soit quelque peu débonnaire à l’égard des marques constituées par un portrait photographique.
A l’inverse par exemple, les marques tridimensionnelles constituées par la forme d’un produit (ou de son emballage) ne peuvent passer les fourches caudines de l’examen qu’avec difficulté. Les décisions rendues à ce propos reprennent en général les termes des paragraphes 38 et 39 d’un arrêt « Henkel » de 2004 (Affaires jointes C-456/01 P et C-457/01 P., Henkel KGaA / OHMI, CJCE 29 avril 2004) :
38. (…) les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (…).
39. (…) Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, remplit sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif (…).
Autre élément susceptible d’insinuer un doute sur la validité de la marque : le « contexte artistique » de l’utilisation du signe. J’entends par là la justification mise en avant par le TPI dans l’affaire Dr No (affaire T‑435/05, Danjaq / OHMI, TPI, 30 juin 2009). Il s’agissait d’évaluer si l’utilisation de ce terme en liaison avec divers produits pouvait être considéré comme un usage à titre de marque.
Le TPI répond par la négative, en premier lieu en raison de la nature artistique des produits concernés : « Dr. No et Dr. NO n’indiquent pas l’origine commerciale des films, mais leur origine artistique. En effet, aux yeux d’un consommateur moyen, les signes en question, apposés sur les jaquettes des cassettes vidéo ou sur les DVD, servent à distinguer ce film d’autres films de la série « James Bond ». L’origine commerciale du film est indiquée par d’autres signes, tels que « 007 » ou « James Bond », qui sont apposés sur les jaquettes des cassettes vidéo ou sur les DVD et qui indiquent que son origine commerciale se trouve dans l’entreprise productrice des films de la série « James Bond ».« . Par cette jurisprudence sont donc affaiblies les marques qui identifient des produits artistiques.
Toujours dans cet arrêt « Dr No », par une extension de ce raisonnement aux produits qui ne sont pas de nature artistique, les juges poursuivent de façon assez surprenante dans une lignée totalement hostile aux politiques de licensing sur les produits dérivés :
27 Dans le cas des bandes dessinées, des enregistrements musicaux, des livres et des posters, les signes Dr. No et Dr. NO ne sont pas, non plus, utilisés en tant que marques, mais comme une référence descriptive des produits, indiquant aux consommateurs qu’il s’agit soit de la musique du film Dr. No, soit d’un livre ou d’une bande dessinée portant sur le personnage du « Dr. No », soit d’un poster dudit film ou de ce personnage. Comme l’examen de la documentation fournie par la requérante le démontre, certains des produits mentionnés sont présentés au public sous d’autres indicateurs de provenance, à savoir « 007 », « James Bond », qui indiquent aux consommateurs que l’origine commerciale des produits susmentionnés portant sur le film ou sur le personnage du « Dr. No » est la même que celle des films de la série « James Bond ».
28 Dans le cas de voitures ou de montres fabriquées par les entreprises bénéficiaires d’une licence pour utiliser sur ces produits les signes Dr. No et Dr. NO la conclusion ne change pas. Dans les deux cas, l’utilisation de ces signes est simplement descriptive, indiquant aux consommateurs que la voiture en question est celle utilisée dans le film Dr. No, ou que la montre est celle correspondant au film Dr. No au sein d’une collection de montres fabriquées pour commémorer le quarantième anniversaire des films de la série « James Bond ». De plus, l’examen de la documentation relative aux voitures prouve que les indicateurs d’origine commerciale utilisés par la requérante pour ceux‑ci sont « James Bond », « 007 » et le « Gun Symbol ». Comme dans les cas analysés au point 27 ci‑dessus, ceux‑ci indiquent que l’origine commerciale des produits est la même que celle des autres produits « Bond ».
Autrement dit, les marques ombrelles ou les marques qui désignent des gammes de produits sont les seules à être valable dans le domaine artistique ! Difficile d’applaudir…
Pour revenir aux marques constituées de portraits de personnages célèbres, dans deux cas un peu particuliers précédemment évoqués, il était également question de leur validité : Che Guevarra et Barbie.
Merci à Guillaume, qui m’a signalé ce portrait d’André Rieu.