Le contexte de cet affaire et le jugement rendu en première instance avaient fait l’objet d’un précédent billet sur le pMdM. La réaction astucieuse de la société Julou Compagnie également.
Friendly fire
A la suite du jugement, le député de la 6è circonscription du Finistère (siège de la société Julou) avait déposé une proposition de loi visant à modifier l’article L711-4 h du Code de la propriété intellectuelle pour empêcher l’enregistement de marques « correspondant au chiffre relevant de [l’] identification » d’une collectivité territoriale (ce qui reviendrait à rendre indisponibles les nombres de 1 à 95, de 971 à 976, 987 et 988).
Le Département du Finistère est ensuite intervenu volontairement dans la procédure à hauteur d’appel pour soutenir la demande renconventionnelle en nullité des marques. Le Département soutenait « que le chiffre 29 fait partie de son image et qu’il est de ce fait indisponible« .
Stratégiquement, présenter cette proposition de loi et soutenir ensuite l’argumentation développée dans le cadre de l’intervention volontaire revient à tirer une balle dans le pied la société Julou Compagnie.
Devant le Parlement, l’élu issu de la 6ème circonscription soutient que la législation sur les marques doit être complétée car dans sa rédaction en vigueur cette législation ne permet pas d’interdire l’enregistrement de marques constituées de nombres correspondant à un numéro de département. Puis devant le tribunal, le Département soutient en substance qu’une marque constituée d’un nombre correspondant à un numéro de département doit être annulée … en application de la législation en vigueur.
C’est cette contradiction que semble stigmatiser l’arrêt quand il énonce qu' »en l’état actuel de la législation l’annulation de la marque 29 pour indisponibilité n’est pas fondée« . Les juges avaient estimé qu’il « ne résulte d’aucun élément de la cause que la société Bil Toki porte atteinte au nom, à l’image ou à la renommé du Finistère en utilisant la marque 29 sur des tee-shirts, des polos ou des chemises« .
Validité confirmée, déceptivité rejetée, contrefaçon confirmée
Intrinsèquement, le signe 29 peut constituer une marque valable : l’article L711 b) du Code de la propriété intellectuelle cite expressément les chiffres comme exemple de signe pouvant constituer une marque. La Cour constate que « l’utilisation du chiffre 29 comme marque est a priori licite« .
Il n’y avait là en réalité pas de véritable matière à polémique. Le coeur du débat réside en réalité sur le contexte dans lequel intervient l’exploitation de la marque.
La société Julou Compagnie soutenait que la marque 29 devait être annulée notamment pour défaut de distinctivité et en raison de son caractère déceptif. Sans réellement distinguer les deux fondements, la Cour les rejette rapidement, jugeant que « ce grief serait fondé si la marque 29 avait pour objet de promouvoir des produits spécifiques du Finistère ou d’indiquer la provenance des produits ; que tel n’est pas le cas s’agissant de vêtements banals fabriqués en n’importe quel lieu géographique (…) ; qu’ainsi un chiffre, et en l’occurrence le chiffre 29, est parfaitement distinctif pour ce type de produit« .
L’arrêt retient comme le jugement que « la société Julou Compagnie reproduit les chiffres 29 qui sont le signe distinctif et dominant que la marque dont la société Bil Toki est titulaire ; qu’elle crée ainsi un risque de confusion quand bien même les graphismes seraient différents ; que la contrefaçon est ainsi caractérisée« .
Momo de mauvaise foi
L’arrêt précise qu’avant que les deux société ne s’affrontent, en « janvier 2005, la société Julou Compagnie qui souhaitait exploiter la marque 29 s’est adressé à la société Bil Toki pour savoir si cette marque était effectivement exploitée. Malgré une réponse positive, la société Julou Compagnie a commencé d’apposer la marque 29 sur ses articles et à commercialiser ceux-ci dans sa boutique de Brest et sur internet ». Il est également indiqué qu’en ce qui concerne le nombre 29, la société Julou Compagnie « expose avoir déposé ce chiffre à l’INPI« .
L’arrêt précise même que la société Julou Compagnie a déposé « tant le nombre 29 que d’autres chiffres déjà utilisés par la société Bil Toki et ce en parfaite connaissance de cause« . Ces agissements, traduisant la mauvaise foi, conduisent les juges à élever le montant des dommages et intérêts à 30 000 euros. Etrangement, le sort de ces dépôts de marques effectués par la société Julou Compagnie n’est évoqué ni dans le jugement ni dans l’arrêt : la société Bil Toki n’aurait pas demandé leur nullité.
Télécharger l’arrêt :
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CA Toulouse, 28 juin 2007 (.pdf)
Merci pour ces précisions qui montrent autrement la décision de la cour de Justice. On comprend du coup pourquoi il est dit qu’il y a mauvaise foi de la part de Momo le Homard. Que dire?