Les dépôts de marques sont parfois le reflet de l’air du temps. Des tendances (ou Zeitgeist, pour reprendre la terminologie germanique popularisée par Google) peuvent être observées à partir des registres des Offices.
Ainsi un peu avant l’éclatement de la première bulle internet, la mode était au doublement de voyelles et si possible avec un jeu de mot digne d’une enseigne de coiffeur (freesbee, Kelkoo ou le légèrement parodique kaskooye).
Cette année on peut signaler que l’une des tendances est à … l’indicateur de tendance. Le fameux signe #, autrement dit le hashtag ou croisillon, n’est peut être pas aussi emblématique que l’était l’arobase lorsque le grand public a découvert internet, mais on commence à en voir de plus en plus en dehors de Twitter. Le terme connait une popularité qui atteint bizarrement l’état civil : un nouveau né américain a été prénommé Hashtag.
Le terme « hashtag » lui-même apparait dans quelques marques récentes une marque nominale est enregistrée outre Manche pour des vêtements ; en France l’expression « Hashtag l’agence (#lagence) » constitue une marque pour des produits et services des classes 35, 38 et 41).
Le signe # est présent dans quelques marques (pour peu qu’on puisse l’identifier, ce qui n’est pas toujours techniquement possible selon les bases de données de marques utilisées).
Au Etats-Unis, le simple signe # a été déposé comme marque en novembre 2012 pour identifier de l’eau en bouteille. Il constitue également le motif principal de quelques autres autres marques plus ou moins anciennes :
Au niveau communautaire, la demande de marque 003499001, déposée en 2003, a été refusée vis à vis de produits et services des classes 16, 36, 38, 41 et 42. En revanche un croisillon un peu plus stylisé et déposé en 2004 a été enregistré en classe 25 (CTM 004210027).
Le hashtag émerge aussi comme préfixe, à l’instar de la fonction qu’il occupe sur les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, il serait peu approprié de considérer que le seul signe # puisse conférer un caractère distinctif à une marque : si l’élément verbal qui suit n’est pas distinctif, l’ensemble ainsi formé ne devrait pas l’être.
Et lorsqu’une marque apparait derrière un hashtag, que peut-elle faire face à un usage incontrôlé du signe objet de son monopole ? La plupart du temps, il s’agit de liberté d’expression et de référence nécessaire à la marque contre lesquels il est inefficace et particulièrement inopportun de brandir des droits de PI. Mais tout n’est pas si rose : d’une part l’efficacité de Twitter pour attirer du trafic est appréciée des adeptes de méthodes black hat, lesquels n’auront aucun scrupule à phagocyter les marques lorsqu’elles attirent un tant soit peu le chaland. Et d’autre part, l’usage qui s’apparente à celui d’un mot clé n’est pas toujours très loin de l’usage à titre de nom commun, c’est-à-dire du risque de dégénérescence. Pour parer ces chausse trappes, #veille et #analyse ne seront pas superflus.