Fricatives palatales ou alvéolaires, antérieures ouverte ou semi-fermée et labialisée, labio-dentales, médio-palatales, vélaires, uvulaires, nasales, occlusives… Ces termes peu communs relèvent du domaine de la phonétique, où il arrive que le droit des marques fasse une incursion.
L’une des problématiques majeures du droit des marques réside dans l’évaluation de risques de confusion. Traditionnellement cette analyse passe notamment par un examen des signes sur trois plans : visuel, phonétique et intellectuel. La comparaison de l’aspect phonétique des marques implique une analyse du rythme (imprimé par les syllabes, l’accentuation tonique) et des sonorités des termes qui les composent. C’est dans ce cadre que l’on est amené à s’intéresser aux modalités physiques de production de sons articulés.
La façon dont on va rouler la langue, la coincer contre son palais, serrer plus ou moins les dents, arrondir les lèvres et moduler par d’autres moyens le flux d’air et la vibration des cordes vocales produira ainsi des conséquences juridiques.
Suivant les cas de figure, la perception orale des signes peut s’avérer déterminante. La CJCE a dit dans l’arrêt Loyds/Loint (aff. C-342/97) qu’il ne peut « être exclu que la seule similitude auditive des marques puisse créer un risque de confusion ».
A titre d’illustration, voici quelques extraits de décisions où il est question de phonétique :
SILIPLAS / SILIPOS : « phonétiquement les deux dénominations présentent trois syllabes, les deux premières étant identiques, la troisième étant proche par la prononciation des voyelles ouvertes A et O et le caractère peu audible des la consonne labiale L. » (CA Paris, 7/12/2005)
NOCIBE / NOVICE : « les deux signes en cause (…) se prononcent en deux temps, leurs désinences différentes par les deux consonnes encadrant la voyelle « i ». D’autre part, la marque antérieure a une finale labiale « CIB », le signe contesté une finale sifflante « VIS ». Ces différences affecte la partie des signes en cause sur laquelle se fait l’accentuation et entrainent une perception d’ensemble distincte. » (CA Douai, 29/03/2004).
YONA-USZA / YON-KÂ : « Considérant que phonétiquement, les termes YONA-USZA se prononcent en quatre temps et sont rythmés par la répétition du son [A] ; qu’ils se caractérisent par une sonorité d’attaque ouverte [io] et une désinence sifflante [sza], alors que la marque YON-KÂ s’articule en deux temps, présente un son fermé en attaque [ion] et une désinence dure [ka] ; » (CA Paris, 20/03/2002).
LA POSTE / PHONEPOST : »la syllabe d’attaque sifflante de la dénomination critiquée diffère fortement de la syllabe d’attaque labiale de la marque antérieure » (CA Paris, 19/10/2001).
AUBRAC / AUVRAC : « il s’agit dans les deux cas de la prononciation de deux syllabes la première de chaque marque étant identique et la seconde commençant l’une par la consonne labiale B, l’autre par la consonne labiodentale V, entrainant une modification très légère voire minime au plan phonétique. » (TGI Paris, 11/01/2006).