Ces marques contiennent des diablotins, souvent plus espiègles que méchants. Ce sont des personnages fréquemment associés à la chaleur et à la mort. La chaleur est généralement celle apportée par un radiateur, une cheminée ou des matières combustibles. La mort concerne les parasites, dont on cherche à se débarrasser.
La première marque est la seule présentée ici qui n’a de diable que le nom ; sa partie figurative comporte un animal (chien ou cheval ?) dressé sur ses pattes arrières.
Elle a été déposée par Monsieur Aurouze en 1888 et concerne des produits pour la destruction des souris, rats et autres rongeurs. Le nom du déposant est toujours lié à l’activité de lutte contre les nuisibles et les parasites : c’est en effet l’enseigne de cet établissement historique de la rue des Halles, dont la vitrine présente des animaux empaillés.
La deuxième marque est celle d’une société anglaise, The Sanitas Company Limited. Le personnage sentencieux qui l’illustre est entouré d’une flèche circulaire. Ou bien est-ce la queue d’un diable ? Laissons le doute subsister.
Le diablotin de cette marque est un ramoneur, non pas savoyard mais marseillais. La société Rollet qui exploitait cette marque commercialisait notamment des catalyseurs de combustion et des poudres destinées à éliminer la suie. Elle tenait là un personnage qui se prêtait aux produits dérivés de l’époque : on a pu le voir sur des porte-clés ou du papier buvard.
C’est ici un fromage qui est représenté par un diablotin ventru et bicolore. Son titulaire, la laiterie de Craon (aujourd’hui intégrée au groupe Lactalis), est implanté rue de la Chaussée Aux Moines, dont elle a tiré le nom de l’une de ses autres marques. Au sein de son portefeuille de marques, il semble que la cohabitation entre moines et diablotin n’ait pas laissé subsister ce dernier.
Dans le domaine des articles de cuisine et des appareils de chauffage, cette figure diabolique promet certainement une chaleur infernale. Ce logo aux formes géométriques est tiré d’un dessin de Jean Lachaux.
Son titulaire a une importance historique liée au début de l’ère industrielle : il s’agit de la société fondée par Jean-Baptiste André Godin. Il déposa des brevets (notamment sur l’émaillage polychrome de la fonte) et établit des « familistères » pour héberger ses ouvriers, dans le cadre d’une politique sociale qui comprenait aussi un aspect coopératif.
Le signe d’un succès avéré, mais tant redouté (au moins) des juristes, réside dans l’antonomase qui a frappé le nom de cet entrepreneur. Godin est devenu « un nom commun pour désigner un appareil de chauffage. »
La société américaine Air Balance Inc. commercialise (en 2019) des clapets coupe-feu.
Il semble que c’est bien ce genre de produit qu’elle entendait protéger en 1967 par cette marque française, dont le libellé des produits revendiqués mentionne pourtant des « extincteurs d’incendie ». La marque US, dont la priorité était revendiquée par cette marque française, visait bien des « fire dampers« , ce que l’on peut traduire par « clapets coupe-feu« .
Le visage ricanant du « bon diable » de la Vinaigrerie La Française apparait au milieu des flammes. Cette vinaigrerie donne dans le combustible : la marque désigne de l’alcool à brûler.
Cette marque a été déposée par la société anglaise Thomas Keating Limited, dont l’origine remonte à 1780. Au XIXème siècle, cette société a développé deux produits, dont la fabrication alternait selon les saisons : il s’agissait en été de la poudre insecticide, telle que revendiquée par cette marque, et en hiver des pilules contre la toux.
Lors de cette période, la poudre insecticide était, parait-il, utilisée dans les tranchées lors de la Première Guerre Mondiale.
Richard Wylde explique sur le site de sa société que les progrès de l’hygiène au cours des années 1920 et 1930 ont conduit au déclin de ces activités saisonnières. Au début de la Seconde Guerre Mondiale, la société Thomas Keating Limited se tourne vers la production d’outils de précision.
Le diablotin, avec son étrange excroissance au sommet du crane et ses oreilles démesurément grandes, semble avoir disparu avec le changement radical d’activité de son titulaire. Sa trace demeure sur des plaque émaillées, des prospectus et objets d’époque.
Bonus
Un autre diable dormait dans les archives de l’INPI. Il a été dévoilé spécialement pour le pMdM par Steeve Gallizia (l’auteur de cette excellente série d’articles sur les trésors qui dorment dans les archives de l’INPI et les principes qui étaient précédemment applicables au droit des marques).