La Cour Suprême allemande, par un arrêt du 30 janvier 2020 (publié le 4 mars), a posé à la CJUE des questions préjudicielles sur la protection des dessins & modèles non enregistrés, et plus particulièrement sur la protection des modèles partiels par ce biais. La réponse qui y sera apportée aura nécessairement un impact très important sur les stratégies de protection.
Pour mémoire, le Règlement 6/2002 définit les Dessins ou Modèles Communautaires Non Enregistrés (DMCNE) et prévoit leur protection notamment via les articles suivants :
Article 1
2. Un dessin ou modèle communautaire est protégé:
a) en qualité de « dessin ou modèle communautaire non enregistré », s’il est divulgué au public selon les modalités prévues par le présent règlement;
Article 3
Définitions
Aux fins du présent règlement, on entend par:
a) « dessin ou modèle »: l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation;
article 11
1) Un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 est protégé en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté.
Dans un article publié le 5 mars 2020 sur Lexology, Markus B. Bölling expose la teneur de l’arrêt du 30 janvier 2020.
En décembre 2014, Ferrari (demandeur), a publié un communiqué de presse montrant des photos d’une nouvelle voiture de course. Le défendeur a produit des « front kits » dont l’un d’entre eux ressemblait fortement à la partie avant de la voiture divulguée par Ferrari.
Ferrari a donc soutenu qu’en divulguant l’ensemble de son véhicule en 2014, elle pouvait ainsi prétendre à la protection d’une partie de celui-ci (en l’occurrence une section la partie avant) en tant que dessin ou modèle communautaire non enregistré.
Ces prétentions ont été rejetées en première et deuxième instance. La Cour Suprême (der Bundesgerichtshof) a donc décidé d’interroger la CJUE quant à la protection de parties de produits par le biais de DMCNE.
Dans l’arrêt BuckChemie / Henkel rendu en 2017 par le TUE (commenté ici), il avait été question du caractère individuel d’un modèle partiel. De façon intéressante, les antériorités -consistant en la divulgation de l’aspect de produits complets- n’ont pas été considérées comme portant sur l’aspect de parties de produits. Le Tribunal estimait que lorsque est invoquée une partie d’un produit antérieur, celle-ci doit, par rapport au produit complet :
- avoir une certaine indépendance
- en être séparable
- être mise en relief (ou en évidence)
C’est ce que j’avais alors surnommé un « test ISR« .
Ici, dans l’affaire des « front kits » Ferrari, le BGH a donc demandé à la CJUE de se prononcer sur l’interprétation de l’article 11, paragraphes 1 et 2, première phrase et de l’article 4, paragraphe 2, point b), l’article 6, paragraphe 1, point a), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, en répondant aux questions préjudicielles suivantes :
1. La divulgation d’une image globale d’un produit conformément à l’article 11, paragraphes 1 et 2, phrase 1, du règlement (CE) n ° 6/2002 permet-elle d’obtenir des dessins ou modèles communautaires non enregistrés sur des parties individuelles du produit?
2. En cas de réponse affirmative à la première question:
Quel critère juridique doit être appliqué lors de l’examen du caractère individuel conformément à l’article 4, paragraphe 2, lettre b, à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n ° 6/2002 lors de la détermination de l’impression globale dans le cas d’un composant qui – comme par exemple, une partie d’une carrosserie de véhicule – est une partie d’un produit complexe?
En particulier, faut-il examiner si l’apparence du composant dans la perception de l’utilisateur averti n’est pas complètement perdue dans l’apparence du produit complexe, mais a plutôt une certaine indépendance et unité de forme qui permettent de déterminer une impression esthétique globale indépendante de la forme globale?
Traduction NON OFFICIELLE