by Jackie Kever
Dans le cadre des conflits tournant autours de l’affichage de liens publicitaires à partir de mots clés correspondant aux marques d’un concurrent, quatre séries de questions sont actuellement posées à la CJCE afin de connaitre l’interprétation à retenir de l’article 5 de la Directive de 1988 quant à la notion d’usage de la marque dans ce genre de situation. Les prérogatives du titulaire de la marque ne peuvent en effet être exercées que lorsqu’il y a un usage de celle-ci dans la vie des affaires.
Une audience est programmée le 17 mars 2009 dans l’affaire Google / Louis Vuitton Malletier (questions préjudicielles posées par la cour de cassation française), après quoi seront publiées les conclusions de l’avocat général. On connait les questions formulées par la cour suprême autrichienne (Oberste Gerichtshof). On attend de connaitre précisément celles du Bundesgerichtshof allemand.
La CJCE a publié les questions qui lui sont posées par la cour suprême néerlandaise (Hoge Raad) dans l’affaire Primakabin / Portakabin (à propos de laquelle l’arrêt de la cour d’appel était mentionné dans un billet antérieur du pMdM – voir également les différents billets de Gino van Roeyen sur Class 46).
Voici la version française de ces questions (la langue de procédure étant le néerlandais) :
Demande de décision préjudicielle présentée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) le 17 décembre 2008 – Portakabin Limited et Portakabin BV / Primakabin BV
Questions préjudicielles
a. Si un opérateur qui commercialise divers produits ou service (ci-après, l' »auteur de la publicité ») utilise la possibilité d’enregistrer, auprès d’un exploitant d’un moteur de recherche sur internet, un adword [Lorsqu’il s’agit de faire de la publicité via internet, il existe un possibilité d’enregistrer, contre paiement, auprès de moteurs de recherche comme Google certains mots qualifiés de adwords. Si un tel adword est introduit dans le moteur de recherche, un lien vers le site web de l’auteur de la publicité apparaît, soit dans la liste des pages trouvées, soit sous forme de publicité sur la page de résultats, sous le titre « liens commerciaux ».] identique à une marque enregistrée par un autre opérateur (ci-après, le « titulaire de la marque ») pour des produits ou services similaires, lequel mot-clé enregistré – sans que cela soit percevable par l’utilisateur du moteur de recherche – a pour conséquence que l’utilisateur d’internet qui introduit ce mot, retrouve, sur la liste de résultats de l’exploitant du moteur de recherche, un lien vers le site web de l’auteur de la publicité, cela constitue-t-il un usage, par l’auteur de la publicité, de la marque enregistrée, au sens de l’article 5, paragraphe 1, initio et point a) de la directive 89/104/CEE1?
b. Y a-t-il une différence à cet égard selon que le lien figure:
dans la liste générale des pages trouvées, ou
dans une section publicitaire affichée comme telle.
c. Y a-t-il par ailleurs également une différence selon que:
l’auteur de la publicité, déjà dans la mention constituant le lien figurant sur la page web de l’exploitant du moteur de recherche, offre effectivement des produits et des services identiques aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, ou que
l’auteur de la publicité, sur une propre page web, vers laquelle l’utilisateur d’internet (visé sous la question 1.a.) peut être renvoyé s’il « clique » sur le lien de la page de l’exploitant du moteur de recherche (« hyperlien »), offre effectivement des produits ou des services identiques aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée?
Si et dans la mesure où la question 1 doit recevoir une réponse affirmative, les dispositions de l’article 6 de la directive, et plus particulièrement les dispositions de son paragraphe 1, points b) et c), peuvent-elles impliquer que le titulaire de la marque ne peut interdire l’usage visé sous la question 1, et, si tel est le cas, dans quelles circonstances ?
Dans la mesure où il convient de donner une réponse affirmative à la question 1, l’article 7 de la directive s’applique-t-il, dès lors que l’offre de l’auteur de la publicité visé sous la question 1.a., porte sur des produits qui ont été commercialisés dans la Communauté par le titulaire de la marque visé sous la question 1 ou avec son autorisation ?
Les réponses données aux questions qui précèdent sont-elles également valables s’agissant des mots-clés visés sous la question 1, enregistrés par l’auteur de la publicité, dès lors que la marque est, délibérément, enregistrée avec de petites fautes, en sorte que les possibilités de recherche seront plus efficaces pour le public qui fait usage de l’internet, sachant que, sur le site web de l’auteur de la publicité, la marque est reprise de façon correcte ?
Si et dans la mesure où la réponse aux questions posées ci-dessus implique qu’il n’est aucunement question d’un usage de la marque au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive, les États membres peuvent-ils purement et simplement, vis-à-vis de l’utilisation d’adwords tels que ceux en cause dans le présent litige, octroyer, au titre de l’article 5, paragraphe 5, de la directive, conformément aux dispositions applicables dans ces États membres relatives à la protection contre l’usage qui est fait d’un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, une protection contre l’usage sans raison valable de ce signe, lorsque, selon l’appréciation des instances judiciaires de ces États membres, il est indûment tiré profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou il leur est porté préjudice, ou sont-ce des limites de droit communautaire, appréciées conjointement avec les réponses aux questions qui précèdent qui doivent être appliquées par les juges nationaux ?
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1 – Première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p. 1).